L’homme est un animal particulier : il est nu !
Pas de fourrure ou de carapace extérieure, une simple peau très fragile. De plus, au niveau de la force physique, de la vitesse, franchement il ne fait pas le poids dans le règne animal. Sous cet angle, il avait toutes les chances de disparaître rapidement de la surface de la planète, parce qu’il ne pouvait qu’être une proie facile pour des animaux nettement mieux « équipés ».
Mais alors comment expliquer le « succès » de l’être humain qui, de proie facile à cause de ses aptitudes physiques, s’est en fait emparé de la première place dans la chaîne alimentaire et est devenu le prédateur de toutes les autres espèces ?
Grâce à son cerveau et au développement stupéfiant de son intelligence orientée vers la matière, l’homme a très vite su utiliser son environnement, créer des outils, des vêtements, des objets pour suppléer à sa fragilité naturelle.
Il a cherché dans le monde matériel qu’il a appris à utiliser et à transformer, tout ce dont il avait besoin pour survivre, puis par la suite améliorer son existence quotidienne jusqu’au confort. Pour satisfaire ses besoins vitaux de nourriture, de chaleur, et surtout de sécurité, il a cherché à l’extérieur ce qu’il n’avait pas en lui. Il s’est approprié le monde pour l’utiliser et se renforcer.
L’être humain a besoin de posséder et de maîtriser la matière pour compenser sa vulnérabilité naturelle !
Il suffit de s’imaginer abandonné nu en pleine nature pour avoir une petite idée de ce que signifie être vulnérable. Se sentir vulnérable est intolérable pour chacun de nous. Toute notre recherche depuis notre premier souffle jusqu’au dernier est de satisfaire nos besoins vitaux, en particulier celui de sécurité pour nous sentir de plus en plus invulnérable.
La perspective de la mort avec son aspect inéluctable est occultée dans nos sociétés modernes parce que l’envisager, voire s’y préparer, nécessite de prendre en compte une donnée que nous avons toujours refusé : notre vulnérabilité.
Pour échapper à notre vulnérabilité, on se cuirasse
Connaissez-vous le bernard-l’hermite ? C’est un petit mollusque invertébré qui a un comportement étonnant. Il a un corps tout mou et est donc très vulnérable. Que fait-il ? Il squatte des coquilles vides et s’y réfugie en s’y accrochant avec ses quatre pattes arrière et avance, en tirant sa coquille, avec ses quatre pattes avant. Il doit souvent changer de coquille en grandissant.
Il a répondu à son besoin de sécurité, bien compréhensible en recourant à un objet extérieur à lui, une coquille vide. Mais en échange, il a perdu de sa mobilité et subit des contraintes, en changer régulièrement et en dépendre. La sécurité a un prix !
L’homme est un peu comme ce bernard-l’hermite. Se sentant vulnérable, il recherche la sécurité dans la possession de biens matériels extérieurs à lui-même, il se crée une sorte de cuirasse avec laquelle il se sent plus en sécurité. En échange, il accepte des contraintes comme :
- La préoccupation constante d’avoir assez pour faire face aux nécessités de la vie et aux coups du sort
- La nécessité d’avoir assez d’argent pour acheter ce qu’il pense être nécessaire ou ce dont il a envie
- La peur de perdre ou d’être volé
- Le souci de protéger ses biens, de les entretenir, de les remplacer
- La dépendance qu’il s’est créée par ses possessions
L’homme est dépendant de la matière pour vivre : se nourrir, boire, se loger etc. Augmenter ses biens, c’est augmenter les contraintes et sa dépendance. Nous ne pouvons plus nous en passer.
Vulnérabilité => Recherche de sécurité => Possessions => Contraintes => Dépendance des biens
En voulant compenser sa vulnérabilité par la possession de biens, l’être humain en devient dépendant. De propriétaire, il est devenu serviteur, voire esclave de ses biens.
Mais l’homme n’est pas un bernard-l’hermite. Son corps n’est pas invertébré : mou à l’extérieur certes, il est dur à l’intérieur grâce à son squelette. Grâce à lui, il se tient debout et peut se mouvoir avec facilité. Il est très mobile.
C’est aussi une image pour nous :
ne pas chercher d’abord notre solidité (notre sécurité) en dehors de nous, mais en nous. Prendre conscience de nos ressources intérieures, de notre capacité d’action, c’est aussi trouver plus de sécurité, avoir moins de contraintes extérieures et être plus indépendant.
Vulnérabilité => Recherche de sécurité => Ressources intérieures => Liberté => Indépendance