La perception de notre place a été révolutionnée
Le monde moderne, tissé de valeurs réputées stables comme l’idée d’un progrès continu … un monde avec son goût pour la raison, sa confiance indéfectible dans la science et la technique, son attrait pour la vie matérielle et la consommation de masse … laisse place progressivement à un nouveau style de vie.
De nouvelles valeurs apparaissent, dont l’authenticité est certainement le phare. Elle laisse surgir encore quelques étincelles de lumière dans un monde enténébré par ses certitudes qui vacillent.
Dans ce postmodernisme qui nous pénètre par osmose… même quand on lui résiste …
… la Vérité ne peut plus être prêchée avec une autorité qui surplombe l’individu,
… les systèmes de pensées qu’ils soient philosophiques ou religieux sont mis en marge ou récusés,
… les notions de croissance infinie et de consommation effrénée marquent le pas,
… le tragique de la vie n’est plus occulté, mais affronté avec lucidité,
… l’humain n’est plus uniquement un animal rationnel, une machine à produire, mais un être avec une vie intérieure qui fluctue au vent de l’incertitude et des rencontres, qui se cherche, qui est en quête de sens pour sa vie,
… l’expérience personnelle et l’intuition sont valorisées, même si elles sont relativisées, n’étant plus la Vérité absolue mais une vérité parmi d’autres,
… dire que l’on a une vie spirituelle sans être pratiquant d’une religion n’est plus un blasphème …
… voilà le monde dans lequel nous habitons et où nous avons à tracer notre chemin.
3 désillusions qui ont révolutionné la perception de notre place dans le monde
Première désillusion : La terre et l’homme ne sont plus le centre de l’univers
Jusqu’au XVIe siècle régnait la conception astronomique et philosophique de Ptolémée : la Terre était au centre de l’Univers, ce que l’on appelle le géocentrisme. Le Soleil, la Lune et les autres planètes, mais aussi toutes les étoiles tournaient autour de la Terre, donc de l’homme qui y habitait.
L’être humain était le centre de l’Univers et le couronnement de la création. La doctrine catholique avait inscrit dans sa foi cette compréhension de la place de l’homme.
L’homme devant Dieu était au centre du monde et son monde était au centre de l’Univers.
Quand en 1543, Copernic fit paraître, au seuil de sa mort, l’ouvrage « De revolutionibus », une révolution de la pensée commença. Peu à peu, malgré les résistances de l’Église, une nouvelle compréhension de la place de l’homme dans l’univers se fit jour : la Terre n’était qu’une planète parmi d’autres dans le système solaire avec le Soleil pour centre, ce qu’on appelle l’héliocentrisme. Puis, plus tard encore, l’homme comprit que son système solaire n’était pas, lui aussi, au centre de l’Univers, mais un parmi beaucoup d’autres. Enfin, on découvrit que le système solaire appartenait à une galaxie et que celle-ci n’était pas non plus le centre de l’Univers, mais une parmi des milliards d’autres galaxies.
L’homme, de centre de l’Univers, s’est découvert n’être plus qu’un organisme vivant sur une petite planète bleue perdue dans un Univers qui le dépasse et le surmonte.
L’homme n’est plus qu’une simple poussière pensante dans un univers infini. Quel décentrement !
Deuxième désillusion : L’homme est un animal comme les autres
Avec le naturaliste Lamarck, au XVIIIe siècle, précurseur le plus connu de la thèse de l’évolution, puis Darwin au XIXe siècle, l’idée que l’homme a une généalogie biologique, s’imposa de plus en plus. L’évolutionnisme biologique préconisa une vision unitaire du vivant.
Chaque spécimen, de la bactérie à l’homme, participe d’une histoire unique de l’évolution des espèces et ceci sur une période de temps de plusieurs milliards d’années.
L’homme est un animal, en fait un mammifère comme les autres. Son patrimoine génétique ne se distingue de celui des grands singes que sur moins de 5% de gènes.
Même s’il est faux de dire que l’homme descend du singe, il semble bien avoir des ancêtres communs avec eux. Son intelligence et sa conscience d’exister sont certes plus développées, il parle et possède un langage symbolique, il est créateur de culture et de comportements sociaux. Mais, plus on étudie les animaux supérieurs, plus la différence avec l’homme s’amenuise.
Que nous reste-t-il … pour nous différencier ?
La polémique reste vive sur les modalités (le comment) de cette évolution des espèces, mais le fait même de l’évolution n’est pas remis en question, sauf par quelques fondamentalistes créationnistes qui sentent bien que cette conception remet radicalement en cause la place de l’homme dans le monde vivant.
L’homme n’est plus le centre de la création et donc de l’attention de Dieu, mais est le produit d’une évolution, certes le plus achevé, mais peut-être pas le dernier !
L’homme, de roi de la création, s’est découvert n’être qu’un animal comme les autres.
Troisième désillusion : le Moi conscient de l’homme n’est pas le centre de son psychisme
Au début du XXe siècle, les travaux de Freud sur les maladies telles que les hystéries, les névroses et les psychoses mirent au jour la réalité de l’inconscient. Certains comportements pathologiques ne peuvent s’expliquer que par l’irruption dans la conscience de contenus refoulés provenant d’une partie inconsciente du psychisme.
Après avoir été disciple de Freud, C. G. Jung s’en est séparé et a approfondi encore sa compréhension de l’inconscient. Il en arriva à distinguer l’inconscient personnel, avec ses contenus personnels refoulés, et l’inconscient collectif, provenant d’un fonds commun d’archétypes (des symboles primitifs) que partageraient tous les hommes.
Tant pour Freud que pour Jung, le Moi conscient n’est plus … et n’a jamais été … le maître en sa maison. Jung préconise l’existence d’un archétype, le Soi, qui serait le véritable centre profond du psychisme humain, le Moi conscient n’étant alors qu’un centre superficiel qui s’illusionne sur son pouvoir et son statut.
Ce décentrage est le plus radical de tous
Non seulement, l’homme n’est plus le centre de l’Univers, mais il est un animal comme les autres, et enfin son Moi conscient ne serait pas non plus le centre de son psychisme.
Dépossédé de son statut usurpé de maître du monde, l’homme se découvre petit, fragile et aliéné à lui-même.
Alors sourd en lui, insidieusement, l’angoisse d’être.