Mon cher Quaesitus,
Ressens-tu parfois cette désagréable sensation qui sourd en toi comme une rivière souterraine, une rivière froide qui charrie tes déceptions, tes désillusions, tes insatisfactions. La plupart du temps, tu la sens à peine … tellement tu cours pour te sentir exister … pour te distraire de toi-même dans la multitude de tes préoccupations qui t’occupent … qui s’emparent de toi et t’aliènent à toi-même… qui t’occupent tellement que tu t’es perdu en route.
Parfois, à l’occasion d’un incident insignifiant, une parole reçue qui t’a blessée, une tâche qui ne s’est pas déroulée comme tu le souhaitais, un projet, une envie qui n’a pas abouti … ou alors d’un événement qui ta marqué, qui t’a peut-être bouleversé … le décès d’un ami, d’un proche, la rupture avec ton conjoint ou ton partenaire, un accident ou une maladie, le chômage …
D’autre fois, alors que tout va bien … à tous les niveaux … RAS, rien à signaler … tu as tout pour être heureux et pourtant … tu n’es toujours pas satisfait de ta vie … satisfait de toi.
Alors, peut-être te dis-tu :
Si mon travail était différent … alors tu changes de travail
Si je gagnais davantage d’argent … alors tu travailles encore plus
Si mon conjoint ou mon partenaire de vie était différent … alors tu changes de compagnon
Si mes fréquentations étaient différentes … alors tu changes de milieu, d’amis
Si mon pays était différent … alors tu le quittes pour un autre
Si … si … alors … tu cherches à changer les circonstances, les lieux, les personnes qui ont tissé ton existence jusque-là. Tu es convaincu qu’en changeant ce qui est extérieur à toi-même, tu iras mieux, cette rivière d’insatisfaction arrêtera de couler en toi, tu seras enfin plus heureux.
Si tu l’as fait, comme moi je l’ai fait … plusieurs fois … alors tu as peut-être découvert, que passé l’enthousiasme du début … tu te retrouves avec toi-même … un être inchangé … dans la profondeur duquel coule toujours cette rivière sombre et froide.
Peut-être, es-tu au moment crucial … je l’espère … où tu as arrêté de croire que c’est en changeant ce qui est extérieur à toi … que ton être va s’accomplir … que tu vas être heureux … vraiment. Si tu le crois encore, alors, mon ami … ce scénario va se reproduire … encore et encore … jusqu’à ce que tu réalises que c’est une impasse … sans issue … une fausse route en fait.
J’ai fait cela … plusieurs fois, durant plus de 25 ans, jusqu’au moment où je me suis retrouvé piégé dans une situation que je ne pouvais plus changer … où je me suis retrouvé impuissant, acculé à moi-même … sans issue de secours.
C’est alors, que ne pouvant plus faire autrement, je me suis laissé absorber par ma profondeur … pour la confronter … pour entrer dans cette rivière profonde et froide … pour me laisser … un temps … submerger … je me suis laissé baptiser … immerger … je me suis laissé dépouiller, dénuder … je me suis retrouvé nu.
La vie m’a arrêté
… alors j’ai arrêté de courir partout
… j’ai arrêté de me sentir vivant … ce fut comme une mort … je suis entré en silence
… j’ai arrêté d’être préoccupé par tout et n’importe quoi
… j’ai arrêté de me distraire de moi-même … la Ténèbre m’a accueilli en son sein
… l’existant que j’étais alors est mort !
Quand je suis sorti de cette nuit et de cette eau froide, j’ai ressenti, à nouveau la chaleur de la lumière, mon ancienne vie était morte, une vie nouvelle s’ouvrait devant moi, j’étais devenu libre, j’étais un être nouveau, j’étais né de nouveau.
Je m’étais laissé trouver par la source de mon être, l’Ultime préoccupation qui était déjà là en moi, dans ma profondeur.
J’ai découvert qu’au-delà du fond de ma profondeur … il y a avait un fonds, une source … la Source qui m’ouvrait à l’Ultime.
Ce qui suit est mon expérience.