Il est des choses dans notre vie qui sont nécessaires, pressantes, inévitables, inéluctables, impérieuses … indispensables. Sans elles, notre existence physique s’arrête, nous mourons.
L’air que nous respirons en fait partie. Après avoir été connecté à notre mère dans son ventre, nous sommes connectés au monde, à son atmosphère depuis notre premier souffle quand le cordon ombilical a été coupé. En aspirant notre première bouffée d’air, nous sommes venus au monde … nous avons commencé à exister. Et depuis lors, nous avons un besoin impérieux de respirer. Sans air durant 2 ou 3 minutes, nous cessons de vivre.
Cette nécessité vitale nous rend dépendant de quelque chose qui n’est pas nous … nous sommes contingents … nous sommes susceptibles d’être ou de ne plus être, de vivre ou de mourir, d’exister ou de ne plus exister.
Nous n’avons pas l’aséité. Nous ne tirons pas notre être de nous, nous sommes ce que nous avons reçu … et cela peut nous être retiré. Notre existence est contingente et non nécessaire.
Le contingent est l’antonyme (le contraire) de nécessaire.
Plus quelque chose nous est nécessaire, plus nous sommes contingents, plus nous sommes dépendants, à la merci de …
Quand le futile et l’utile deviennent nécessaires
Respirer, manger, boire, dormir, évacuer les déchets de notre corps sont des besoins nécessaires. Si nous ne les satisfaisons pas, nous mourrons … plus ou moins vite. Nous sommes obligés, par nécessité vitale, de les satisfaire.
Mais il existe en nous d’autres nécessités … que nous jugeons nécessaires :
J’ai besoin d’un travail pour vivre = gagner ma vie (sic !) pour payer mes factures et tout ce dont j’ai besoin … et envie pour moi et mes proches. Vivre devient alors synonyme de gagner de l’argent … étrange expression.
J’ai besoin d’une voiture pour me déplacer … mais est-ce nécessaire d’avoir un véhicule 4X4 de 2 tonnes quand j’habite en ville ou une limousine allemande de 250 chevaux ?
J’ai besoin d’habits pour me vêtir … mais est-ce nécessaire de choisir des marques tendances et suivre la mode pour être dans le coup ?
J’ai besoin d’une maison ou d’un appartement pour moi et ma famille … mais est-ce nécessaire qu’elle coûte 1.5 million avec une piscine ?
J’ai besoin …
C’est affaire de goût personnel, de moyens … mais surtout de désir, d’envie.
Il y a ce dont j’ai besoin par nécessité … et ce dont j’ai envie parce que cela suscite le désir en moi.
Rien à redire. Il ne s’agit pas de tomber dans un ascétisme de mauvais aloi … sentant le retour en arrière et la culpabilisation.
Il faut juste rester ou redevenir capable de discerner ce qui est futile, utile et nécessaire … pour moi.
J’ai besoin d’un ordinateur pour mon travail … en particulier pour écrire ce texte. J’ai fait monter un PC avec les meilleurs composants du marché, le rack est design avec un gros ventilo dessus. Pour moi il est même beau. Ses capacités dépassent très largement ce dont j’ai vraiment besoin. Je me suis fait plaisir et je ne le regrette pas.
Mais pour autant, je reste lucide : je n’avais pas besoin de cet ordinateur-là ! Dans cet achat … coûteux, il y a 20 % de nécessaire, 10% d’utile et 70% de futile. Cela me fait plaisir de l’avoir … mais si on me le volait, je n’en serais pas plus chagriné que cela … ce n’était qu’un ordinateur … surdimensionné. Ce n’est qu’un objet, une chose.
La valeur de la personne que je suis ne dépend pas de cette chose que je la considère comme futile, utile ou nécessaire.
Le problème survient quand nous n’arrivons plus à discerner ce qui est vraiment futile, utile, nécessaire et essentiel. Nous avons alors tendance à considérer que le futile et l’utile nous sont nécessaires comme l’air que nous respirons. Nous en avons besoin … ou plutôt nous croyons que nous en avons besoin.
Notre centre de gravité est à la surface de notre être, dans les choses que nous avons ou voulons avoir … nous y sommes attachés comme à notre vie … si ou quand nous les perdons … nous avons le sentiment que l’on nous a enlevé une partie de notre être.
Nous nous estimons à la valeur des choses que nous possédons. Quand certaines nous sont retirées, nous croyons que notre valeur diminue, notre estime de soi baisse.
Quand le nécessaire nous opprime
Mais il y a un autre versant à ces choses que nous estimons nécessaires.
Je dois gagner ma vie … une autre expression étonnante … comme si la valeur de ma vie était calculée par ma capacité à avoir un revenu. Pour moi c’est tout simplement imbécile !
- Je dois satisfaire mon employeur ou mes clients
- Je dois subvenir aux besoins de ma famille
- Je dois payer mes impôts
- Je dois tenir ma place dans cette société et répondre aux attentes d’une multitude de personnes
- Je dois faire un certain nombre d’actions nécessaires … pour que les autres m’acceptent ou ne me fassent pas du tort. J’ai donc des obligations … nécessaires.
Quand ces obligations, ces nécessités augmentent en nombre ou/et en intensité, je suis obligé de courir sans cesse, de me stresser pour y faire face. Ma vie peut alors devenir pesante, mon être est opprimé par le poids de mes obligations. Le burnout est à la porte.
Alors je me jette dans la distraction et le futile … c’est ma manière de compenser … de lutter contre la dépression qui guette.
Parfois j’envoie tout promener, je quitte mon employeur, mon conjoint, mon pays … pour retrouver d’autres obligations, d’autres nécessités ailleurs et avec d’autres.
Quand le futile et l’utile nous sont nécessaires, notre être s’échappe et nous échappe. Nous vivons à la surface de nous-mêmes.
Quand le nécessaire nous oblige par trop, notre être est opprimé, il s’aliène à lui-même, il devient autre … celui que les autres veulent que nous soyons. Nous vivons en dehors de nous-mêmes.
Le centre de gravité de notre être n’est pas au centre … mais à la surface ou en dehors de notre être. Il est impossible que nous nous accomplissions. Nous sommes en train de manquer le but : la réalisation de soi.