Mon cher Quaesitus,
Quand on étudie avec un peu d’attention comment les grandes religions du monde ont commencé, on se rend compte qu’un homme souvent ou plusieurs parfois en sont à l’origine.
Une expérience révélatrice
Le judaïsme: Abraham, Moïse et les prophètes
Le boudhisme: Boudha
L’islam: Mohamed
Le christianisme: Jésus-Christ
Ces hommes ont raconté avoir fait l’expérience d’un contact, d’une rencontre avec Dieu, en réalité une expérience révélatrice bouleversante. Certains les ont écoutés et ont fait eux aussi une expérience comparable, d’autres pas et se sont parfois opposés avec violence à ces marginaux illuminés ou dangereux à leurs yeux.
Plusieurs se sont rassemblés autour de ces fondateurs, ont réfléchi à leur parole, cherché à conformer leur vie à cet enseignement, une religion est alors née.
L’expérience devient une religion instituée
Au fil du temps, ces paroles reçues sont mises par écrit et deviennent normatives, une doctrine se précise souvent en réaction à des oppositions ou des divergences d’interprétation, le dogmatisme s’installe, les rites se multiplient. La religion alors se fige, se codifie, se ferme sur elle-même, devient statique et cherche à se conserver par tous les moyens, parfois même par la guerre.
Des spirituels amènent une vie nouvelle
Mais durant ces histoires souvent mouvementés et incertaines, des hommes et des femmes au sein de ces religions approfondissent l’expérience révélatrice des origines, la font revivre d’une nouvelle manière et réinjecte une nouvelle vie, une nouvelle orientation dans cette religion devenu fermée. Des ouvertures se font, la religion bouge et évolue.
La vie circule à nouveau avant qu’elle ne se fige et qu’une nouvelle impulsion la vivifie.
Dans le christianisme que je connais mieux, on peut penser à François d’Assise qui opéra par son retour à une stricte pauvreté évangélique une vraie révolution dans une Eglise d’alors davantage préoccupée de pouvoir et d’argent. Puis Luther et Calvin qui essayèrent de la réformer en profondeur, mais s’en séparèrent. Il y eut aussi Jean de la Croix, Thérèse d’Avila et plus près de nous Thérèse de Lisieux. On pourrait en citer bien d’autres comme John Wesley, Spurgeon, William Booth etc. Ces hommes et ces femmes, souvent des spirituels audacieux suspects et donc mis en marge ont renouvelé la compréhension de la foi par leurs intuitions avec le désir de revenir à l’expérience révélatrice des origines.
L’expérience religieuse passée sous la loupe
Ces expériences religieuses furent étudiées de tout temps, mais scientifiquement dans la première moitié du XXe siècle par des psychologues Freud et surtout Jung, des philosophes comme William James et Henri Bergson.
Intéressés par le vécu dans l’expérience religieuse, plusieurs dont James et Bergson focalisèrent leur attention sur l’expérience mystique comme étant un sujet d’étude plus marquant et riche. Certes, ils l’ont fait en tant que philosophes et scientifiques, sans donc se positionner clairement sur l’existence de Dieu, mais à leurs yeux, ces expériences reconnues comme valables, même si elles surprennent, pointent vers Dieu ou une déité et sont source d’enrichissement spirituel pour eux et pour l’humanité.
Une identité d’intuition, un nouveau signe
Écoutons Bergson dans son livre « Les deux sources de la morale et de la religion », le chapitre sur la religion dynamique:
« Il faut d’abord remarquer l’accord des mystiques entre eux … Si les ressemblances extérieures entre mystiques chrétiens peuvent tenir à une communauté de tradition et d’enseignement, leur accord profond est signe d’une identité d’intuition qui s’expliquerait le plus simplement par l’existence réelle de l’Être avec lequel ils se croient en communication …
Il n’y a pas d’autre source de connaissance que l’expérience … il s’en faut que toutes les expériences soient également concluantes et autorisent la même certitude. Beaucoup nous conduisent à des conclusions simplement probables. Toutefois les probabilités peuvent s’additionner, et l’addition donner un résultat qui équivaille pratiquement à la certitude … Le mysticisme complet est en effet celui des grands mystiques chrétiens. …
Disons simplement que, si les grands mystiques sont bien tels que nous les avons décrits, ils se trouvent être des imitateurs et des continuateurs originaux, mais incomplets, de ce que fut complètement le Christ des Évangiles »
Voici un nouveau signe … n’est-il pas le plus convaincant ?