La quête du pouvoir
Notre boussole intérieure se dérègle vite et nous n’arrivons plus à discerner la limite entre avoir ASSEZ de biens et en posséder TROP. Pour certains, il n’y en a jamais assez et toute leur vie est orientée vers ce seul objectif : posséder toujours plus. On pourrait penser que lorsque cette quête de sécurité est satisfaite par les biens dont l’homme a besoin, il se calme et que l’équilibre s’instaure : j’ai ASSEZ, cela me suffit !
Pourquoi alors cette frénésie vers le TROP ?
L’être humain est un animal social. Il vit avec d’autres dont il dépend et qui dépendent de lui. Quand il arrive dans sa famille, il occupe un rang, celui de l’enfant au sein d’une fratrie avec des adultes. Au fil des années, sa position évolue dans la famille élargie et dans la société. Il cherche à se créer une situation et à obtenir un rang qui le satisfasse. A ce rang est assorti des obligations, des droits et des avantages de toutes sortes. Le principal est le pouvoir.
Atteindre un rang ou une position dans la société donne un pouvoir en rapport : un pouvoir financier et économique, un pouvoir sur les autres, un pouvoir sur le matériel et sur le vivant. Mais comment ce pouvoir se manifeste-t-il ? Car s’il ne s’exerce pas concrètement, le besoin de maîtrise ne trouve pas d’aboutissement.
Nos possessions sont une extériorisation du pouvoir que l’on détient ou croit avoir sur le matériel et le vivant. Nous en arrivons même à penser que nos possessions sont une extension de notre être.
Plus nous possédons, plus nous « sommes », plus nous augmentons notre emprise sur le matériel et les autres.
Plus nous possédons, plus nous « sommes » et plus nous sommes possédés
L’homme transfère sur les biens qu’il possède son besoin naturel de dire qui il est ou croit être et pour que tous reconnaissent son rang et son pouvoir. Les objets que nous portons sur nous, ceux que nous utilisons, notre maison, notre voiture n’expriment pas ce que nous sommes vraiment, mais l’image que nous voulons donner aux autres, notre position dans la société, notre pouvoir sur le monde et les autres. Nous nous identifions alors à ce rôle social qui nous a été donné ou que nous avons conquis de haute lutte.
Et quand une perte survient, non seulement nous l’éprouvons comme une perte de fortune, mais aussi comme une perte d’image et une blessure narcissique. Cette perte nous touche au-delà de ce que nous pensions. Cette perte matérielle est devenue une perte de soi. Nous sommes atteints dans notre identité.
Les biens que nous possédons deviennent une extension de nous-mêmes, notre image extérieure et finalement nous possèdent. Le pouvoir que nous croyons avoir sur les choses est devenu en fait un asservissement.
Nos possessions nous font croire que nous avons les clés du succès. Elles n’ouvrent que sur le vide intérieur de nos vies encombrées.
Une compensation d’un déficit d’image de soi
Cette quête de pouvoir, que l’on manifeste par les possessions, est souvent le fait de personnes ayant une image d’eux-mêmes peu flatteuse. Ils se sentent peu confiants, peu sûrs d’eux et inévitablement vont rechercher dans la possession de biens si possible prestigieux le supplément d’image qu’ils ne trouvent pas ou plus en eux.
L’homme cherche en dehors de lui, dans le matériel, le supplément d’âme dont il a besoin pour compenser le déficit de son image de lui-même.
Il est avéré que la compulsion d’achats est fortement liée à une pauvre estime de soi. Nous achetons pour qu’à nos yeux nous valions plus et que le regard des autres reflète l’image que nous souhaitons secrètement avoir.
Les effets de l’encombrement
Mais voilà, ce besoin de pouvoir et/ou la quête d’une meilleure image de soi encombrent nos vies, la matérialisent de plus en plus, nous coupent de nous-mêmes et du flux de la vie en nous, en fait nous coupent l’accès à l’essentiel pour nous.
Notre vie est encombrée par le matériel et monopolise des ressources intérieures que nous ne pouvons plus utiliser pour nous développer tellement le combat de la vie est rude. Nous sommes trop chargés, notre vie est devenue un pesant fardeau. La complexité s’est emparée de nous !
Enfin, cette course au pouvoir et à un supplément d’estime de soi nous oriente vers nos besoins, nos envies, notre ego et nous fait perdre de vue l’autre, le proche ou le lointain. Pire, cela peut même nous conduire à l’instrumentaliser, à en faire un moyen, et non un sujet, pour augmenter nos biens, notre pouvoir et notre estime de soi. Nous sommes devenus un prédateur !
Sans nous en rendre compte, nous sommes tombés de l’escalier du développement personnel qui devait nous conduire à la réalisation de soi.