Dans le domaine du faire, comme dans celui de l’avoir, nous sommes souvent encombrés. Ce sont des activités plus ou moins utiles et valorisantes qui non seulement nous occupent, mais souvent nous envahissent. C’est encore le TROP qui règne, la quantité et plus la qualité.
L’ennui
Rappelons-nous l’image de Camus : la cellule de mal confort. Les dimensions de cette cellule empêchent le prisonnier de se coucher et de se lever. Il doit se coucher recroquevillé et se tenir accroupi. C’est le mal confort par excellence.
La privation de liberté devient insupportable par le fait même de ne plus pouvoir bouger. L’homme a un besoin physique irrépressible de bouger et d’agir. Même si sa cellule est encombrée d’objets utiles à sa survie, ce que lui veut absolument, c’est en sortir pour se lever et agir ou se coucher et dormir.
Ce besoin irrépressible d’agir est une disposition naturelle du monde animal, donc de l’homme. Sa morphologie et son cerveau font de l’homme un être très mobile. Ses mains avec le pouce opposable (comme les primates) lui permet de saisir des objets et de faire des manipulations minutieuses. C’est une particularité unique dans le monde animal. Tant son corps que son intelligence prédisposent l’homme à l’action et aux mouvements précis et volontaires.
Quand ce besoin irrépressible de bouger et d’agir ne trouve pas sa satisfaction, l’individu s’ennuie. Le manque d’action provoque l’ennui.
Si l’ennui l’envahit, l’individu peut sombrer dans la dépression et devenir amorphe. Moins il agit, moins il a d’énergie, moins il a d’énergie, moins il a envie d’agir. Il se recroqueville sur lui-même, sa vie perd du sens (signification et direction). Il s’est créé lui-même sa cellule de mal-confort dans laquelle il s’est enfermé.
Des activités non signifiantes pour nous
Certaines activités s’imposent à nous par notre travail ou notre fonction sociale, mais elles ne sont pas ou peu signifiantes pour nous. Ces activités sont à entreprendre, mais nous n’arrivons pas à y discerner un sens qui nous motiverait. Alors nous multiplions nos activités dans l’espoir que cet encombrement nous remplisse et donne un sens (une signification) à notre existence.
En fait nous nous ennuyons encore, non par manque d’activités, mais parce qu’elles ne nous motivent pas, ne nous nourrissent pas et que nous sentons bien que nous ne nous réalisons pas à travers elles.
Le plaisir que l’on retire de notre action sur le réel est absent, seul l’ennui règne au milieu de la multitude de nos activités.
La recherche de reconnaissance
Agir, c’est aussi entrer en relation, échanger, s’opposer. L’autre joue un grand rôle dans notre action.
Cet échange est souvent déséquilibré : nous agissons pour attirer l’attention sur nous, pour obtenir de la reconnaissance. Plus notre estime de soi est fragile, plus nous avons besoin de reconnaissance pour compenser ce déficit d’image.
Multiplier nos activités, endosser le rôle du sauveur de la situation, de la pièce indispensable dans le jeu de la vie nous apporte cette reconnaissance dont nous avons tant besoin. Nous sommes devenus dépendants et avons besoin en permanence de notre dose de reconnaissance en échange de la multiplication de nos activités et de nos interventions. Finalement, nous nous épuisons.
Nous avons perdu le contact avec notre être intime.
L’image que nous nous faisons de nous-mêmes est liée directement à la reconnaissance que nous récoltons en multipliant nos activités.
Les conséquences de l’encombrement d’activités
Nous nous sentons en permanence comme quelqu’un qui court après le train qui vient de partir. Les tâches se sont tellement multipliées que nous n’avons plus le temps de faire les choses, tout est devenu urgent. Nous manquons de temps. Nous ne nous sentons plus à la hauteur, nous n’arrivons plus à tout tenir ensemble.
Des erreurs se produisent, nous sommes fatigués, dormons mal, sommes irritables, bref l’épuisement est à la porte. Nous sommes trop sollicités par nos activités et les autres. Nous pouvons baisser les bras, d’abord dans notre tête, et ensuite dans la réalité. La dépression commence son travail de sape.
La multiplication de nos activités ne nous rend pas plus libre, mais nous aliène. Elle n’est pas le signe de notre liberté, mais celui de notre esclavage.