Quelques constatations en résumé
- Réaliser avant de se réaliser.
- La réalisation de soi passe par la conquête de notre indépendance et par notre capacité à agir sur le réel.
- C’est dans cette capacité à agir et à être indépendant que se trouve le sens de notre vie.
- L’efficience est la quête du simple dans l’action. Non pas réaliser plus, mais mieux.
- Évoluer vers le simple dans son action, c’est discerner ses vraies envies, en faire des buts et tout mettre en œuvre pour les réaliser et se réaliser.
Ces quelques constations ont émaillé notre parcours dans la gestion du faire. Discerner ses vraies envies, découvrir l’essentiel pour nous, se fixer des objectifs et mettre tout en œuvre pour les atteindre par une action efficiente ne doivent pas faire de nous des forcenés de l’action pour le plaisir de l’action. Valoriser l’action, comme je le fais, ne signifie pas pour autant en faire un absolu contraignant par essence.
L’encombrement d’activités est une menace permanente comme le désordre dans les objets qui encombrent notre logement et notre esprit. Mais, un autre danger menace et celui-ci est nettement plus pernicieux.
Quand notre volonté devient un handicap
Notre volonté d’atteindre nos objectifs, quoique nécessaire si nous ne voulons pas n’être que des velléitaires, peut parfois être notre principal handicap dans l’atteinte même de ces objectifs. Surprenant, n’est-ce pas et pourtant … Prenons deux exemples :
- Dans la recherche du sommeil, une volonté trop forte de s’endormir rapidement empêche le processus d’endormissement. On retrouve aussi ce phénomène dans la relaxation musculaire et mentale.
- Chez l’homme, une volonté ferme d’avoir une érection empêche le processus biologique.
Dans ces deux processus naturels, la volonté consciente contrecarre l’action du système nerveux parasympathique qui est largement inconscient et gère aussi la respiration et le cœur par exemple.
On retrouve ce phénomène, apparemment paradoxal, dans la vie en général.
Lors de ma première leçon de conduite, le professeur m’avertit que lorsque l’on croise un véhicule et que la route nous paraît étroite, il ne FAUT PAS regarder le véhicule, mais porter le regard sur la route au-delà du véhicule. Fort de ce conseil, j’effectuai mon premier croisement sans difficulté. Mais je ne m’étais pas aperçu qu’au moment crucial, le prof avait légèrement touché mon volant pour corriger mon mouvement inconscient. Ma volonté absolue, ne pas toucher le camion, s’était retournée contre moi. Par la suite, je changeai mon objectif en le formulant autrement : Regarder la route au-delà du véhicule, les routes sont faites pour croiser ! Depuis lors, et même sur des routes très étroites, je n’ai jamais touché, même si parfois c’était très juste. Dans ces moments, durant une fraction de seconde, je me disais : je me suis engagé, maintenant je ne contrôle plus rien. Je ne peux qu’attendre la fin de ce croisement en espérant que je ne me suis pas trompé. Cette sensation est pénible, mais nécessaire. Si je ne renonce pas à tout maîtriser, ma volonté va redevenir « je veux éviter ce camion » et je vais le toucher avec une quasi-certitude.
Accepter de ne pas ne pas tout maîtriser
Cet exemple illustre plusieurs points importants :
- Prendre une décision (croiser ce camion) est un acte de ma volonté consciente : en fait un objectif
- Trop désirer atteindre cet objectif, donc exercer une volonté trop déterminée peut paradoxalement m’éloigner de cet objectif, voire obtenir l’inverse de ce que je désire (heurter le camion)
- Cette détermination trop forte est un signe de ma volonté de tout maîtriser dans les moindres détails. Cette énergie psychique que j’investis dans la poursuite de mon objectif alimente en fait ma peur ou mon anxiété et paralyse partiellement ou complètement mon action.
- Pour faire ce que l’on souhaite, il faut parfois laisser faire ou se laisser faire
On retrouve cette volonté de contrôle dans la relation amoureuse. Si l’un des partenaires est jaloux, à tort ou à raison ????, il va entrer dans un processus inconscient et souvent irrationnel de vouloir tout contrôler dans la vie de son conjoint (son emploi du temps, son courrier, ses mails, ses sms etc.). Sa volonté passionnée de préserver le lien amoureux par un contrôle minutieux et envahissant sera le plus souvent perçu par le partenaire comme une ingérence insupportable. Le lien amoureux en sera affecté allant jusqu’à la rupture, chose que les deux partenaires ne souhaitaient pas. Cette volonté farouche, ainsi que ce besoin de contrôle a en fait mis en danger la relation au lieu de la renforcer. Le but inverse a été atteint.
Faire en laissant se faire ou le lâcher prise
Dans les exemples du croisement avec un camion et de la jalousie dans le couple, on voit qu’un ingrédient est absolument nécessaire pour que l’objectif véritable, et non pas son contraire, soit atteint : la confiance.
L’étymologie du mot confiance est éclairante : du latin «» (ensemble) et «» (se fier, croire, accorder sa foi). En d’autres termes, la confiance c’est croire ensemble. Il s’agit donc bien d’un pari reposant sur une croyance, pari qui est engagé dans une relation avec soi-même, une chose ou une autre personne.
- J’ai confiance dans mon analyse de la largeur de la route, de ma voiture et du camion. Je dois pouvoir croiser sans problème.
- J’ai confiance dans la fidélité de mon partenaire. Il ne va pas me tromper.
- J’ai confiance en mon corps. Je vais m’endormir ou ma puissance sexuelle va se manifester
Sans une certaine confiance, la vie devient insupportable.
Quand je passe au vert, j’ai confiance que les autres voitures venant d’une autre direction vont s’arrêter au feu qui est rouge. J’ai confiance aussi que l’État a bien installé d’autres feux à ce croisement. Sans cette confiance minimale, la conduite devient impossible.
Je suis fatigué, j’ai envie de dormir. Plutôt que de me focaliser sur le temps que je vais mettre à m’endormir et exercer une volonté intempestive, je m’abandonne à mes sensations agréables de chaleur, de proximité avec l’être aimé, à de douces rêveries et laisse faire mon corps. Je lâche prise et atteins sans difficulté mon objectif : je m’endors.
Notre existence quotidienne est tissée de ces actes de confiance spontanés et répétés. Ils permettent de vivre en se focalisant sur ce que l’on a décidé de faire et non pas de perdre tout son temps à vérifier si notre confiance est justifiée.
Plus globalement, notre action dans et sur le réel nécessite des actes spontanés ou vérifiés de confiance pour que notre volonté et notre action atteignent leur but.
Par ces actes de confiance, nous abandonnons une partie de notre volonté de maîtrise, en fait nous laissons les choses se faire. Nous avons mis le train sur les rails, mis en marche le moteur et nous nous laissons emporter. C’est ce qu’on appelle aussi le lâcher prise.
Je n’atteins pas mes objectifs en bandant ma volonté comme un arc, mais en décidant de laisser les choses se faire et en m’abandonnant avec confiance à la vie qui circule en moi.
Plus je suis détendu et confiant, plus mon action est efficiente et plus j’atteins mes véritables objectifs, en plus par le plus court chemin.
Être l’entrepreneur de sa vie, c’est un peu comme conduire une voiture
Il fut un temps où j’avais une belle berline allemande de 200 chevaux. Quand on a un tel moteur sous le capot, inévitablement, on adopte une manière de conduire dite « sportive ». A chaque changement de vitesse, on pousse le régime du moteur au maximum avant de passer au rapport supérieur. C’est grisant. En quelques secondes et en 3e, je passais de 80 à 140 km/h ! Il m’arrivait de dépasser ainsi des véhicules plus lents. Rien de bien méchant ! J’avais du solide sous les pieds !
Résultats : il m’est arrivé de faire peur au conducteur du véhicule dépassé et d’avoir des amendes pour excès de vitesse. Rien de grave, sans être un chauffard, je conduisais sportivement 🙂
Puis, un jour, je pris un peu de recul et me posai les bonnes questions :
- Mes besoins de déplacement justifiaient-ils l’utilisation de ce type de voiture ? Non
- Pourquoi avais-je eu envie d’acheter cette voiture ? J’en arrivai à la conclusion, qu’au-delà de son look, de son confort et de sa puissance, cela faisait du bien à mon image de consultant. J’avais donc utilisé cette voiture pour avoir un supplément d’estime de soi, signe en fait de sa fragilité.
Je décidai donc de m’en séparer. Ayant découvert mes véritables motivations, je pus en faire le deuil facilement et acheter une petite voiture de moins de 3m avec un moteur de 68 chevaux ! J’en étais arrivé à la conclusion que cette voiture suffirait amplement à mes besoins.
Je m’aperçus alors que mon comportement au volant fut complètement modifié. Fini les accélérations supersoniques ! Je commençai à m’exercer à conduire selon un autre concept : atteindre mon but, mais en appuyant le moins possible sur l’accélérateur.
Je découvris alors quelque chose de tout-à-fait inattendu pour moi : quand la voiture a atteint la vitesse en rapport avec les conditions de la route, elle roule toute seule ! Banal et pourtant nouveau pour moi ????.Il suffit alors, d’avoir le pied léger et de mettre juste ce qu’il faut de gaz pour continuer d’avancer. Et le truc suprême est d’avoir enclenché un rapport haut. Quand avant je conduisais en 3e en forçant le rapport, je suis maintenant en 5e. La voiture a donc peu de reprise, mais j’avance en douceur et économise pas mal d’essence.
En apprenant à conduire ainsi, je réalisai que la conduite de la vie ressemble beaucoup à la manière de conduire sa voiture … en tout cas pour moi ????.
Conduire sa vie, un exercice tout en douceur
Si l’on considère que la vie est un grand rallye implacable et qu’il est préférable d’avoir la meilleure voiture du circuit pour arriver le premier, inévitablement on va forcer, faire toute sortes d’activités en même temps, se disperser, se stresser et parfois vivre un accident de parcours nous laissant au bord du chemin. La volonté d’avancer le plus vite possible peut nous faire sortir de la route !
Dès le moment où l’on réalise que l’important, n’est pas la vitesse et même pas les efforts fournis, mais le but que l’on veut atteindre ; que la détermination trop forte peut être un handicap ; on devient plus détendu, plus efficient.
En fait, on réalise enfin que la vie nous porte comme un fleuve tranquille qui suit son cours. Certes, il faut garder la main sur le gouvernail de notre petite embarcation qu’est notre existence, parfois, il faut même se résoudre à ramer à contre-courant, mais la plupart du temps nous sommes portés vers notre objectif.
C’est fou ce que je me sens mieux depuis que j’ai réalisé cela.
La vie n’exige pas de nous des efforts permanents au maximum de nos forces.
La vie nous porte naturellement vers la réalisation de nos objectifs.
Pour faire et ainsi se réaliser, il suffit le plus souvent de laisser faire les choses à leur rythme et d’accompagner, avec douceur, ce flux de la vie en nous.