Découvrir un diamant doit être une expérience extraordinaire. Il était là depuis des millénaires, enfoui sous terre caché au regard de tous et voilà qu’en creusant la terre, je le découvre. Son apparence est plutôt rebutante : sa forme n’est pas régulière, de la roche brute l’emprisonne, il ne brille pas. Bref, ce diamant brut n’est pas beau et n’a rien pour plaire. Mais est-ce vraiment un diamant ?
Après avoir été taillé et poli, ce diamant brut est transformé par un travail difficile et long en une pierre scintillante d’une beauté stupéfiante. La multitude de ses facettes réfléchit la lumière. Ce diamant donne l’impression qu’il est devenu source de lumière. Le diamant brut est devenu un diamant scintillant de mille feux !
C’est bien sûr une image, mais c’est une image qui me parle de l’essentiel, de la réalisation de soi, le but du développement personnel et surtout de la vie en moi.
L’être que je suis n’a pas sa source en lui-même
Mon être et ma vie m’ont été donnés ou plutôt prêtés. J’ai été jeté dans le monde et je peux en être retiré à tout instant. Je ne suis que de passage. Je me découvre libre et fini d’où cette angoisse qui m’étreint.
Je sais, même si je me le cache en me distrayant, que je vais mourir. Mon être aspire à l’infini et sent parfois qu’il fait partie de cet infini et pourtant il sait qu’en tant qu’être fini il doit mourir.
Quand j’ai été jeté dans le monde, l’être que je suis est une réalité que je dois découvrir
A ma naissance, mon être ressemble à ce diamant brut. Il a été donné, il est le fruit de la vie comme le diamant est le fruit de la terre, il est précieux mais il est brut. Sa grande valeur m’est cachée comme elle est cachée aux autres. Je dois la découvrir.
C’est le but de mon passage : transformer ce diamant brut en un diamant taillé et poli qui scintille et semble être source de lumière pour moi et les autres.
L’être que je suis se sent vulnérable et cherche à l’extérieur la sécurité
Jeté dans un monde qu’il n’a pas choisi, mon être fait l’expérience, parfois douloureuse, de sa vulnérabilité naturelle. Un sentiment d’insécurité l’étreint. Ce monde semble fait pour lui, il y trouve tout ce qu’il faut pour vivre avec d’autres êtres qui l’aident à se construire, mais il fait aussi l’expérience de la « douce indifférence du monde » (Albert Camus dans l’Etranger).
Pour compenser cette vulnérabilité et se défendre contre cette insécurité, mon être cherche à conquérir ce monde et ces êtres. Ce vide qu’il ressent le pousse à le remplir d’objets, de relations, de connaissances. Il veut se sentir plein pour éprouver la sécurité et se cacher à lui-même, qu’un jour, il devra quitter tout cela et mourir.
L’être que je suis se cuirasse et cherche à l’extérieur de lui-même la sécurité en prenant et en donnant le moins possible. Parfois il devient prédateur et cherche à absorber en lui le monde et les êtres. Le diamant brut devient encore plus brut par l’apport de choses superficielles qui le prive d’un bien essentiel : découvrir son être véritable !
Mon être révèle son authenticité par le désencombrement
Avec les années et les expériences que la vie me fait vivre, je découvre que la sécurité que je cherche n’est pas à l’extérieur mais à la source de mon être. Mon être se transforme, ce qui est extérieur prend sa véritable place, à la périphérie de mon être, et mon être peut se manifester à l’extérieur. Le diamant brut est devenu un véritable diamant, source de lumière.
Bouleversante révélation ! Mais révélation douloureuse aussi. La vie se charge de me rappeler ma fragilité et ma finitude. J’éprouve des pertes. Je perds des biens, des proches, des relations, je découvre que certaines de mes connaissances sont devenues obsolètes. Je me sens perdu et l’insécurité augmente. Certaines de ces pertes provoquent des crises et me conduisent à dépression, à la perte du sens. Tout ce que j’ai voulu accumuler, mes biens, mes relations, mes connaissances pour me remplir et me sentir en sécurité finalement me laissent encore plus vide et désemparé.
Alors, je peux décider de recommencer et de reconquérir ce que j’ai perdu pour me remplir à nouveau ou m’arrêter, prendre du recul et me poser la vraie question : est-ce cela la vie, la vraie vie ? M’encombrer ? Et si justement, ce n’était pas l’inverse ? Me désencombrer pour que le diamant brut que je suis encore devienne un diamant étincelant.
Pour le diamant brut, ce désencombrement est un véritable dépouillement. L’artisan, quand il a la pierre entre les mains, voit déjà le diamant qu’il pourra en retirer. Mais pour faire surgir ce diamant, il devra le tailler, le désencombrer de toute cette matière inutile qui devient des déchets précieux. Mais la transformation du diamant brut en un magnifique diamant est à ce prix !
La transformation de mon être a aussi un prix élevé !
Non seulement me désencombrer matériellement, me détacher mentalement et psychologiquement de tout ce qui m’encombre, ce qui n’est qu’une étape préalable, mais surtout me confronter à ma finitude et à ma vulnérabilité en les acceptant ce qui a pour effet de devenir plus authentique. Je dois aussi renoncer à m’identifier à mon corps, à mes rôles sociaux et à mon Moi, me confronter à mon ombre.
Désencombré de tout ce qui n’est plus ni essentiel, ni nécessaire, je vais évoluer vers le simple, quitter le paraître pour l’être, la quantité pour la qualité et devenir un être humain naturel et authentique, unifié et simple. L’être que je suis s’est transformé et s’est réalisé.
Ces divers désencombrements et dépouillements lui ont donné la vie, la vraie.
La vie qui traverse l’être que je suis a atteint son but : me faire évoluer vers la vie spirituelle, la réalisation de soi. Je suis devenu authentique.