Quand j’ai fait mon armée à 20 ans, j’entendis pour la première fois cette expression « celui-là, c’est une hélice ». J’ai bien senti que c’était en mauvaise part, en fait un jugement négatif. Je réfléchis à ce que « celui-là » faisait et comment il le faisait. Je compris alors.
De même qu’un ventilateur posé sur la table, il faisait beaucoup de vent et de bruit, mais en fait, il n’avançait pas ! Cela m’est resté.
Pour ma part, il m’est arrivé, durant certaines périodes de ma vie d’être une hélice. Je faisais beaucoup de choses à la fois, je me lançais dans plein de projets. J’avais l’impression d’être très actif, même efficace … mais finalement, les choses ne se passaient pas comme je l’avais espéré … je découvrais alors que je n’avais pas avancé … vraiment, voire je m’étais embarqué dans une affaire qui se retournait contre moi … et me faisait finalement reculer. Rien de plus frustrant. J’étais actif, je pensais être utile, mais j’étais malheureux.
Avec le recul, je compris.
J’avais confondu le futile, l’utile, le nécessaire, l’essentiel et … l’Ultime.
Durant des années, j’ai cru
que le futile était utile,
que l’utile était nécessaire,
que le nécessaire était essentiel,
et que … l’essentiel était l’Ultime.
Une sorte de déséquilibre provoqué par un centre de gravité mal situé
J’étais comme un bateau dont le centre de gravité est trop haut … à cause de ses superstructures. Il tangue à la moindre vague, il se couche dès que la brise se lève. Quand une tempête approche, la peur envahit l’équipage.
J’ai appris à diminuer l’ampleur des superstructures, à identifier le futile … sans forcément m’en passer … à mieux discerner ce qui est essentiel. Mon centre de gravité baissa … se rapprochant du fond. Je découvris qu’au-delà de l’essentiel pour moi … il y avait l’Ultime qui était là avant que je m’en préoccupe.
Le bateau de ma vie devint plus stable, moins sensible aux vagues et au vent. Mon bateau est apparemment moins beau, moins clinquant et fringant, mais il est devenu plus sécurisant, mieux manœuvrable, plus sûr.
La sécurité n’est pas extérieure à nous-mêmes, elle est une ressource que nous trouvons dans notre profondeur.
Si le centre de gravité de notre vie est:
… dans le futile … alors, pour notre plaisir et notre bonheur, nous sommes dépendants des autres, des choses, des événements … nous sommes devenus des esclaves,
… dans l’utile … alors notre vie s’attriste et s’assombrit … nous sommes devenus les comptables de notre existence et souvent … nous sommes dans le rouge,
… dans le nécessaire … alors nous faisons de notre vie une grande course épuisante pour faire face à nos obligations … nous sommes devenus ce que les autres attendent de nous,
… dans l’essentiel … alors notre vie devient passionnante, même si notre quotidien reste très ordinaire … nous sommes devenus plus libres,
… dans l’ultime … alors la joie commence à sourdre … en nous ouvrant à ce qui est au-delà de nous mais est en nous … nous sommes devenus plus authentiques.
Il ne s’agit pas de se passer de tout, de se priver … mais … il faut parfois se détacher … dans sa tête et dans son cœur … pour que son centre de gravité devienne plus profond … et que notre vie soit plus équilibrée, plus satisfaisante, plus authentique.