Utile du latin « utilis » qui lui-même vient de « uti »: se servir. La définition devient alors : qui sert à quelque chose … ou mieux encore: qui me sert à quelque chose.
Cette chose est utile dans la mesure où elle me sert … me procure un avantage. Je l’utilise parce que je sais d’avance qu’elle va me servir. Cette chose devient mon instrument pour atteindre un but.
Dans l’utile, il y a une prévision d’un avantage pour moi en vue d’un but que je poursuis … la satisfaction d’un besoin ou d’une envie, ou le plaisir ou l’absence de douleur (l’hédonisme), le bonheur (l’eudémonisme). Pour atteindre ce but, j’instrumentalise une chose … ou quelqu’un !
Dans ce dernier cas, l’autre n’est plus un sujet, une personne … il est devenu une « chose » … qui m’est utile pour atteindre mon plaisir ou mon bonheur.
L’utile s’est perverti en prédation de l’autre.
L’ascèse de l’utile
Il existe une sorte d’ascèse de l’utile … une pratique, un exercice qui tend à ne faire, à ne dire, à ne penser que ce qui est utile pour soi et/ou pour les autres. Cette ascèse de l’utile n’est pas forcément égoïste, orientée vers l’utilité pour MOI, mais peut aussi être … et l’est souvent … altruiste, orientée vers TOI.
Le centre de gravité de notre existence est alors dans la recherche de l’utile.
Nous sommes devenus le comptable de notre vie … mieux l’économe de notre existence quotidienne, le bon gestionnaire. Nous calculons sans cesse pour optimiser notre existence.
Nous avons une sorte de balance intérieure avec d’un côté le plateau « coûts » en ressources financières, temps, effort et de l’autre côté « avantages » retirés comme une économie d’argent, de temps, d’effort ou un gain comme le plaisir. Nous sommes devenus un comptable avec une colonne « profits » et une autre « pertes », un gestionnaire qui cherche à dégager un bénéfice pour lui ou/et pour les autres.
Nous sommes bien ancrés dans la réalité, le concret. Nous sommes devenus des commerçants du réel … en fait, des capitalistes de notre existence … qui cherchent le profit.
Mais il y a un hic ! Notre être n’est pas une entreprise qui doit équilibrer ses charges et son chiffre d’affaire, qui doit faire du bénéfice … pour continuer d’exister … sur le marché de la vie !
Quand la quête de l’utile nous domine, notre vie s’assombrit
Si le centre de gravité de notre temps, de nos efforts, de nos ressources est dépensé pour de l’utile … nous ressemblons alors à une machine … utile.
Une machine est conçue pour produire plus, pour augmenter la productivité et ainsi gagner davantage d’argent. Elle fonctionne … elle remplit une fonction.
Si notre vie, par cette ascèse de l’utile, fonctionne, remplit des fonctions et n’est préoccupée que d’être utile, alors notre existence s’assombrit, s’attriste, devient insatisfaisante. Du matin au soir, nous fonctionnons, nous rentabilisons notre temps … nous sommes une machine à produire de l’utile … mais notre vie s’étiole parce que nous ne sommes pas une machine ou une entreprise … nous sommes un être vivant, une personne qui a de l’être, un être qui est poussé de l’intérieur à se réaliser, s’accomplir.
As-tu des doutes ? Alors penses à ces périodes de ta vie où tu as été malade ou accidenté … peut-être as-tu été au chômage … quelle sensation avais-tu ? N’est-ce pas celle de n’être plus utile ? Cette sensation peut être douloureuse … plus ton centre de gravité est dans l’utile … plus un tel arrêt … dans ton utilité pour toi et les autres est pénible. Cela peut même te conduire à la dépression. Tu te sens en marge, à côté de la vraie vie … tu te sens inutile.
Ton être ne se réduit pas à être utile … plus ou moins. Ton être est un diamant, qu’il soit fixé à une bague ou à un outil ou encore sous terre, parce que tu ne l’as pas encore découvert, sa valeur ne dépend pas de l’usage que l’on en fait, de son … utilité.
L’être que tu es … est infiniment précieux, sa valeur ne dépend pas de son utilité. Il est … tout simplement !
Il faut juste le découvrir … et l’accepter !