Il y a quelques temps, j’ai suivi un cours de droit donné par un avocat. J’intervins à plusieurs reprises en posant des questions ou en faisant des remarques. A la pause, le prof vint vers moi et me demanda si j’étais juriste. « Non j’administre des sociétés et le droit que je connais, je l’ai appris tout seul … par la pratique et la lecture » Malaise chez ce prof. Je lui dis alors qu’avant j’avais exploité une épicerie et qu’avant encore j’avais été diacre. Le malaise augmenta.
Pourquoi ? Parce que pour lui, l’identité d’un homme se définit par le métier et j’imagine … encore plus par les diplômes et les connaissances acquises durant ses études.
Lui … EST … avocat. Moi … il ne savait pas ce que j’étais !!!
Il n’arrivait pas à me mettre dans une petite boîte bien étiquetée et … surtout connue … et reconnue. J’aime beaucoup ce genre de situations, je m’en amuse et j’en joue parfois.
Quand le savoir donne un statut
Il m’est arrivé, il y a quelques années, de m’inscrire à un séminaire d’une demi-journée … fort coûteux … sur le nouveau droit de la Sàrl. Du fait de mon activité de consultant en création d’entreprises … et en particuliers de Sàrl, je me devais de me tenir au courant de ce changement important de loi qui allait entrer en vigueur dans quelques mois.
Magnifique accueil dans un cadre prestigieux, chacun avait son badge à son nom et recevait un beau classeur de documentation. Cela commençait bien. Le président de la séance présenta trois avocats de la place de Genève, des spécialistes du droit des sociétés. Super !
Très rapidement … le temps étant compté, nous nous retrouvâmes dans des ateliers avec un des avocats, puis 20 minutes plus tard on changeait. Une belle mécanique bien huilée. Seul petit problème : le spécialiste avait 20 minutes pour passer 30 à 50 slides … ne faisait que lire le texte sur l’écran, texte que j’avais dans mon classeur. Impossible de poser des questions pour mieux comprendre.
En un peu plus d’une heure, on me bombarda d’informations sans me donner la clé de compréhension pour les prioriser, les intégrer dans ma pratique.
Je ressentis alors deux choses … au moment où je quittai cette honorable assemblée d’avocats, de chefs d’entreprises, de cadres, de consultants se déplaçant avec un plaisir non dissimulé vers l’apéritif :
- Moi qui pensais bien connaître le droit de la Sàrl par ma pratique, je n’y comprenais plus grand chose. Je repartais avec plus de questions que quand j’étais arrivé. J’avais la pénible impression de ne pas être à ma place … de n’être pas grand-chose.
- Tout le monde paraissait enchanté de la prestation de ces avocats. Je ne pouvais, pour ma part, m’empêcher de penser qu’une secrétaire sachant bien lire aurait tout aussi bien fait l’affaire.
Ces trois messieurs savaient et le montraient avec brio … mais face à un sujet complexe … ils n’ont pas su transmettre l’information essentielle, celle qui oriente un pratique, qui priorise ce qui est important et ce qui est accessoire. Ils focalisaient sur des finesses, des nouveautés du droit.
Pour moi, ils sont passés à côté de l’essentiel : me communiquer une information utilisable. Je m’empressai d’oublier tout cela.
L’être que je suis ne se réduit pas à ce que je sais
J’ai un diplôme de maturité fédérale, mais ce que j’y ai appris ne m’est pour ainsi dire plus d’aucune utilité … si ce n’est de m’avoir appris à apprendre … seul.
J’ai un diplôme de vente et de management, mais je ne suis plus ni vendeur, ni manager.
J’ai un diplôme de formation théologique et un diplôme de diacre, mais je ne suis plus diacre.
Ce que je fais comme activité depuis plusieurs années n’a rien à voir avec les études que j’ai entreprises.
Je ne suis pas ce que j’ai appris. Je ne suis pas ce que je sais. Ce que je sais m’aide à être … mais mon être n’est pas la somme des savoirs que j’ai accumulés.
Je ne suis pas ce que je sais, mais alors qui suis-je ?