Mon cher Quaesitus,
« Dieu est le nom pour désigner ce qui préoccupe ultimement l’homme. … Cette phrase signifie que tout ce qui préoccupe ultimement un homme devient dieu pour lui et, à l’inverse, que seul ce qui est dieu pour lui peut le préoccuper ultimement » (Paul Tillich – L’Etre et Dieu p. 211)
Ouah … une vraie pépite cette phrase-là ! En quelques mots bien choisis, Tillich éclaire d’un jour nouveau le « problème Dieu ». Sortons notre pelle et notre pioche et cherchons à extraire cette pépite en étant attentif aux mots.
Un éclairage lumineux
Tout d’abord, « ce qui préoccupe ». C’est avoir l’esprit trop occupé par un objet pour faire attention à un autre – mais c’est aussi une crainte ou une opinion, une pensée préconçue qui saisit l’esprit.
Être préoccupé n’est pas synonyme de se faire du souci … parfois c’est le cas, j’en conviens. C’est plutôt « être occupé par quelque chose qui est déjà là dans notre vie, en nous ». Cela pointe déjà vers la profondeur. Ce « déjà là » est important, il signifie qu’il est là … avant même que nous en prenions conscience … que nous nous en préoccupions.
Mais voilà, « ce qui est déjà là » est rarement très conscient. « Il » est sous la surface, « Il » agit en profondeur … en silence. « Il » apparaît de temps en temps à la surface consciente de notre être, mais nous nous hâtons de penser à autre chose … en fait de nous distraire pour nous détourner de ce « je ne sais quoi » qui nous préoccupe.
Mais voyons aussi « ultimement ». Dans notre existence humaine, nous nous devons d’avoir des priorités et de faire des choix. Tout n’a pas pour nous la même importance. Certaines choses sont essentielles dans notre vie, sans elles, notre existence perd sa saveur, son sens et sa valeur à nos yeux. C’est ce qui fait de nous des êtres humains. Mais parmi celles-ci, une … en y réfléchissant bien … nous préoccupe au-delà de tout le reste … sans elle, notre vie perd son sens ou sa valeur à nos yeux. En dernière analyse, tout compte fait, elle est ultime pour nous.
Quel est cet ultime pour nous ?
Quand nous en prenons conscience clairement (et ce n’est pas facile ni évident), nous nous rendons alors compte que cette chose ou cette personne est au centre de notre cœur, que notre vie s’organise autour de ce centre, que finalement beaucoup de choses ou tout en dépend.
Pour nous alors, elle est devenue notre ultime … en fait notre dieu !
Si nous la perdons, alors notre vie s’effondre … certains se suicident … la plupart se relèvent péniblement et découvrent avec le temps … que ce n’était pas vraiment l’ultime. Ils peuvent alors se remettre en quête d’un autre ultime et retomber encore et encore … changeant ainsi de dieu à chaque fois.
Quand l’ultime se dérobe
Peut-être qu’un jour viendra, où ils découvriront que leur quête inlassable les mène à l’impasse. Rien dans les choses ou les êtres ne peut les combler pleinement, tout est relatif et temporaire.
L’ultime se dérobe ! Il est ailleurs. Reste l’absence insupportable.
Où le chercher ?