Mon cher Quaesitus,
A la fin des années 70 au XXe siècle, une maladie redoutable fit son apparition, le SIDA. Les premiers cas se manifestèrent dans les milieux homosexuels, puis touchèrent aussi les hétérosexuels et des personnes ayant eu des transfusions de sang contaminé. Pendant plusieurs années, le fait d’être porteur du VIH était synonyme d’arrêt de mort à court terme et de mise au ban de la société.
Les premiers malades furent considérés comme des pestiférés dangereux dont il fallait se protéger à tout prix. Plusieurs moururent sans oser dire à leurs proches et amis qu’ils avaient le SIDA.
Que de rumeurs sur les sources de cette maladie, que de fausses informations sur les moyens de s’en prémunir. Cette maladie devint un problème sanitaire mondial en quelques années. Il l’est toujours, même si les traitements sont devenus plus efficaces.
Quand une terrible maladie vous met au ban de la société
Au temps de Jésus, il n’y avait pas le SIDA, mais il y avait la lèpre, une maladie éradiquée ou presque au cours du XXe siècle. Avec le SIDA, beaucoup ont pensé « c’est de leur faute, ils ont des rapports sexuels contre nature, cela ne touche que ces milieux. Nous ne risquons rien, puisque nous sommes, nous, normaux ».
Avec les lépreux de cette époque, la population agissait de même. « Il sont des pécheurs et Dieu les a frappé pour les punir » voilà ce que pensaient beaucoup de gens. Ils étaient mis en marge de la vie sociale et religieuse. Selon la Loi au livre du Lévitique, tout contact avec un homme impur ou un objet impur rendait impur et nécessitait un rite de purification avec des sacrifices. Une femme durant ses règles était impure, une femme venant d’accoucher était impure, un homme ayant touché un cadavre était impur.
On retrouve cette grande préoccupation de pureté, lorsque les chefs des prêtres du Temple livrèrent Jésus au procurateur romain et donc païen, Pilate:
« De chez Caïphe, ils conduisirent Jésus au prétoire (le palais de Pilate); c’était le matin. Ils n’entrèrent pas eux-mêmes dans le prétoire afin de ne pas se souiller et de pouvoir manger le repas de la Pâque. » (Evangile de Jean 18.28 S21).
N’est-ce pas un comble ? Tout faire pour ne pas se rendre impur à ses yeux, alors que l’on se souille en versant un sang innocent. Quel aveuglement !
Quand un impur est purifié
« Un lépreux vint à lui et, se jetant à genoux, lui dit en suppliant: « Si tu le veux, tu peux me rendre pur. » Rempli de compassion, Jésus tendit la main, le toucha et dit: « Je le veux, sois pur. » Aussitôt la lèpre le quitta et il fut purifié. Jésus le renvoya sur-le-champ avec de sévères recommandations; il lui dit: « Fais bien attention de ne rien dire à personne, mais va te montrer au prêtre et présente pour ta purification ce que Moïse a prescrit, afin que cela leur serve de témoignage. » Cependant cet homme, une fois parti, se mit à proclamer partout la nouvelle et à la propager, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer publiquement dans une ville. Il se tenait dehors, dans des lieux déserts, et l’on venait à lui de partout. » (Evangile de Marc 1.40-45 S21)
Jésus vient de débuter sa vie publique, il va dans des maisons et à la synagogue pour parler et guérir des malades. Les gens sont stupéfaits par son enseignement et ses guérisons, « sa réputation gagna aussitôt toute la région de la Galilée » (Evangile de Marc 1.28 S21). Bref, Jésus rencontre d’entrée un grand succès.
C’est l’enthousiasme des débuts, mais assez vite, Jésus va montrer ce qu’il a dans le cœur et cela ne va pas plaire à tout le monde.
Dans la rue, il rencontre ce lépreux qui le supplie de le guérir. Jésus, ému de compassion et dépassant la peur et le dégoût naturels devant la lèpre, ose le toucher et ainsi le guérir de sa maladie. Par cet acte, il lui permet en plus de retrouver sa place dans la société et à la synagogue, avec ses proches et ses amis. Il est réintégré dans sa vie.
Quand le pur devient impur
Mon cher Quaesitus, sais-tu pourquoi Jésus lui-a-t-il demandé de ne pas en parler ? Parce qu’en le touchant, Jésus est devenu impur à son tour selon les lois et traditions sur la pureté. L’homme guéri ne l’ayant pas écouté, c’est alors Jésus, devenu impur aux yeux de tous par ce contact, qui doit s’éloigner et en quelque sorte prendre sa place hors la ville.
Jésus a pris sur lui l’impureté rituelle du lépreux pour le guérir et le rétablir dans sa vie, en fait le sauver au sens fort du terme et ainsi devenir à son tour un proscrit infréquentable par les purs ; une sorte d’échange salvateur.