Mon cher Quaesitus,
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises … Jésus a eu parfois des relations équivoques avec les femmes, voyons plutôt :
« Ensuite, Jésus allait de ville en ville et de village en village, prêchant et annonçant la bonne nouvelle du royaume de Dieu. Les douze étaient avec lui et quelques femmes qui avaient été guéries d’esprits malins et de maladies : Marie, dite de Magdala, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de Chuza, intendant d’Hérode, Susanne, et plusieurs autres, qui l’assistaient de leurs biens. » (Evangile de Luc 8.1-3)
De grandes foules venaient spontanément vers Jésus, mais certains le suivaient plus assidûment. Il y avait le cercle intime de ses disciples, les douze et quelques femmes. Des femmes ? Etrange, n’est-ce pas ?
Des femmes disciples, c’est nouveau cela !
Et pas n’importe quelles femmes !
La plus connue est sans conteste Marie de Magdala. Elle accompagna Jésus dès le début de son ministère, fut présente à la croix avec Marie, la mère de Jésus, alors que les disciples avaient fui comme des poltrons. Elle accompagna son corps jusqu’au sépulcre et fut la première à voir Jésus vivant le dimanche de Pâques … quelle tendresse surprenante dans leur dialogue. Cette présence discrète mais soutenue gêna plus tard les tenants de l’autorité, des hommes. Ils craignaient que certains pensent qu’elle a été la compagne de Jésus.
Assez rapidement, un évangile apocryphe (non reconnu comme canonique), L’Evangile de Marie circula en Afrique du Nord. Il dépeint Marie comme une disciple privilégiée plus importante que Pierre puisqu’elle se permet de le rudoyer. Dan Brown dans son bestseller le Da Vinci Code en fera ses choux gras au XXe siècle, imaginant une descendance secrète issue de Jésus et de Marie.
Mais l’Eglise liée à l’empire romain réagit : certains commentateurs y mirent bon ordre en associant Marie de Magdala à la femme prostituée venue pleurer aux pieds de Jésus. La réputation de Marie était faite désormais et sa position privilégiée de disciple importante fut ramenée à celle d’une prostituée repentante. Une manière très masculine d’évincer la femme de tout pouvoir et de la réduire soit à son rôle de mère ou de vierge soit à celui d’une putain !
Mais il y aussi Jeanne, la femme de l’intendant du roi Hérode, une femme mariée qui a certainement abandonné son mari … en tout cas temporairement … pour suivre un jeune prédicateur qui attire les foules dont beaucoup de femmes. Aïe !
Il n’en fallait pas plus pour que Jésus ait une réputation équivoque, voire sulfureuse auprès des bien-pensants. Fréquenter des pécheurs, des collecteurs d’impôts, des lépreux, des romains passe encore … ce sont des hommes … mais être aussi familier avec nos femmes, quel scandale … il renverse nos valeurs familiales !
En plus des femmes étrangères et d’une autre religion
Jésus, là aussi va aller plus loin encore et casser une nouvelle fois les codes sociaux de son époque :
« Comme il devait traverser la Samarie, il arriva dans une ville de Samarie appelée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C’était environ midi. Une femme de Samarie vint puiser de l’eau. Jésus lui dit: « Donne-moi à boire. » En effet, ses disciples étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger. La femme samaritaine lui dit: « Comment? Toi qui es juif, tu me demandes à boire, à moi qui suis une femme samaritaine? » Les Juifs, en effet, n’ont pas de relations avec les Samaritains. » (Evangile de Jean 4.4-9 S21)
La Samarie, est une région entre la Galilée et la Judée, souvent un passage obligé pour monter à Jérusalem. Une région que les juifs pieux cherchent à éviter, parce qu’elle est habitée par des colons païens venus de Babylone après la chute du royaume d’Israël et la première déportation des Juifs. Ces colons apportèrent leurs dieux et leurs croyances tout en reconnaissant aussi le Dieu des Juifs. Ces derniers refusèrent qu’ils viennent adorer Dieu au Temple à Jérusalem et les samaritains construisirent donc un autre temple sur le mont Garizim, une infamie pour les juifs. Pour eux, ils sont l’exemple parfait de colonisateurs détestés ayant une religion corrompue. Tout contact avec eux, mariage, affaires est proscrit. La Samarie est donc un ghetto à cette époque !
Et voilà que Jésus s’arrête au bord d’un puits et demande de l’eau à une femme, une chose inconvenante et qui plus est samaritaine, une chose interdite. La femme s’en étonne et ses disciples plus tard vont même s’en offusquer.
Si tu savais quel cadeau Dieu veut te faire
Que dit alors Jésus ?
« Si tu savais quel est le cadeau de Dieu et qui est celui qui te dit: ‘Donne-moi à boire’, tu lui aurais toi-même demandé à boire et il t’aurait donné de l’eau vive. » … « Toute personne qui boit de cette eau-ci aura encore soif. En revanche, celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. »
Jésus lui dira que bientôt adorer Dieu sur cette montagne ou celle-ci n’aura plus d’importance, que
« Dieu est Esprit et qu’il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité ».
La femme comprend que Jésus n’est pas un simple passant et parle de son attente du Messie.
« Jésus lui dit: « Je le suis, moi qui te parle. » (Evangile de Jean 4.10-42 S21).
Cette femme étrangère comprend immédiatement, alors que les disciples peinent à saisir qui est Jésus.
D’une manière générale, Jésus dans ses rapports avec les femmes est doux, compréhensif et les valorise, alors qu’il est souvent sévère et critique avec les hommes, même ses disciples.
La Samaritaine se précipite au village et tous les samaritains ce jour-là l’accueillirent avec joie et lui demandèrent de rester un peu avec eux pour l’écouter.
Une fois de plus, Jésus va au-delà des préjugés et des codes sociaux pour atteindre ceux qui ont soif d’une vie nouvelle, en ne faisant aucune différence entre hommes et femmes ou Juifs et Samaritains. Révolutionnaire et transgressif à cette époque !
Les femmes dans les premières communautés chrétiennes
Dans les premières communautés chrétiennes, les femmes jouaient un rôle important, certaines exerçaient un ministère reconnu, prophétisaient dans l’assemblée. Mais il y eut des dérapages d’enthousiasme en particulier à l’assemblée de Corinthe et l’apôtre Paul y remit bon ordre : les femmes durent se voiler et se taire. Plus tard, alors que l’Eglise s’organisait et se structurait, les femmes furent mises en marges et rejoignirent la position ancestrale qu’elles n’auraient jamais dû quitter: Etre soumises à la tutelle d’un homme que cela soit leur père, leur frère ou leur mari ou rejoindre un couvent. Pour les femmes, ce cours printemps se changea en hiver pour des siècles.
Une idée révolutionnaire
Pour Jésus, la chose est claire : la bonne nouvelle qu’il vient annoncer est pour tous, quelles que soient les situations humaines, l’origine sociale, la nationalité, la religion, le fait que l’on soit un homme ou une femme, maître ou esclave, riche ou pauvre … il brise les tabous sociaux, renverse les barrières de séparation.
Les grecs ont certainement inventé la démocratie pour les hommes libres, mais ces démocrates étaient servis par une multitude d’esclaves considérés comme des choses.
Par son message, ses actes et surtout ses rencontres, Jésus a lancé l’idée révolutionnaire que tout être humain a une égale dignité devant Dieu et devrait l’avoir aux yeux de chacun ! Aime ton prochain … peu importe qui il est … comme toi-même.
Banal aujourd’hui, sauf qu’entre temps on a évincé Dieu … mais révolutionnaire alors !