Mon cher Quaesitus,
Ma vie spirituelle s’intensifie et change complètement de tonalité en quelques semaines. Une vraie révolution se prépare. Voici quelques extraits de mon journal durant cette période de préparation avant ma découverte de Marie.
5 avril 1993 : un verset biblique prémonitoire
« Car je sais moi les desseins que je forme pour vous, desseins de paix et non de malheur pour vous donner un avenir et une espérance (Jé 29 :11) »
Cette promesse a été faite aux exilés à Babylone après la destruction du royaume d’Israël. Ils devront attendre 70 ans pour revenir à Jérusalem.
Je vais attendre 5 ans.
Depuis quelques jours, je lis avec passion « l’Histoire d’une âme » de Thérèse de Lisieux. Voici ma première impression :
Thérèse offre tout à Jésus, sa vie, ses peines, ses souffrances physiques, ses péchés, ses faiblesses comme un sacrifice d’amour. Tout, y compris le mal, est offert et transformé en amour. Quelle magnifique attitude spirituelle.
6 avril 1993 : un désir d’union au Christ
Dès ma conversion, je discerne en moi un désir d’union à Jésus. Ste Thérèse m’aide à jalonner ma quête. Je sais que cette union est possible et qu’elle passe par un abandon radical à l’amour divin. Que l’Esprit dégage ce désir de toute entrave et m’attire irrésistiblement dans le cœur de Jésus.
8 avril 1993 : quelques phrases me touchent au cœur
L’enfance de Thérèse ressemble à la mienne (mort de sa mère à 4 ans), un cœur dont le besoin d’amour et d’en donner est infini, une névrose qui la rend très sensible à tout rejet. Combien je me sens frère de Thérèse. Elle a trouvé dans l’union à Jésus tout ce qu’elle désirait. Voilà une voie que j’aimerais explorer !
Je note le lendemain quelques citations de Thérèse qui sont avec le recul un programme prophétique de ce que je vais vivre dans les années qui viennent :
« Maintenant je n’ai plus aucun désir, si ce n’est celui d’aimer Jésus à la folie »
« Maintenant, c’est l’abandon seul qui me guide, je n’ai point d’autre boussole »
« Je sais que Jésus ne peut désirer pour nous de souffrances inutiles et qu’Il ne m’inspirerait pas les désirs que je ressens, s’il ne voulait les combler »
12 avril 1993 : mon climat intérieur commence à changer
Plus je lis Thérèse, plus je goûte intérieurement qu’elle est ma petite sœur et que nous nous ressemblons. Mon désir d’union, de contemplation, de progresser dans l’amour est grand. Les commerces, l’envie de réussir, tout cela me devient de plus en plus étranger.
14 avril 1993 : non pas monter mais descendre
Le soir je donne une étude biblique dans la communauté.
Le Seigneur m’a donné une vue synthétique de l’œuvre du St-Esprit. Après avoir succombé à tous les pièges (recherche des dons charismatiques et de la puissance spirituelle), me voilà sur un rocher solide : non plus une expérience ascendante, mais plutôt descendante qui conduit vers la profondeur. La perspective est radicalement différente. La plénitude du St-Esprit a davantage à voir avec l’expérience d’être un vase d’argile contenant un grand trésor caché qu’avec une expérience glorieuse et valorisante. Notre vie est une succession de dépouillements et de morts (le vase doit être vidé), afin que la vie de Jésus s’épanouisse en nous. L’accueil du groupe est frais. Ils ne sont pas habitués à entendre ce genre de discours. (II Co 4 :7-12).
17 avril 1993 : une grande déception, mais aussi une grande expérience
Un acheteur, très intéressé par le studio, renonce pour un problème juridique avec l’immeuble. C’est le deuxième. J’écris à quatre fournisseurs importants pour leur expliquer la situation et demander leur patience.
J’accepte par amour pour Jésus ma faiblesse, mon impuissance à résoudre la situation, mais surtout vivre l’humiliation de ne pas pouvoir rembourser mes créanciers, alors que j’avais promis de le faire à fin mars.
L’atmosphère de ma vie intérieure est en train de changer en profondeur. Dans la nuit de l’épreuve, je me laisse attirer par l’abandon entre les mains de Dieu. Mais dès que je vois une petite lumière poindre, je reprends les reines et reviens à mes réflexes naturels. Il me faudra 5 ans et tout perdre pour que cette attitude spirituelle me devienne naturelle. Ah la pédagogie de Dieu !
18 avril 1993 : une nouvelle vie spirituelle prend son essor
En 10 jours, j’ai lu presque toute l’œuvre de Thérèse, ses trois manuscrits, ses lettres, les derniers entretiens. J’ai envie de recommencer pour approfondir encore. Mon amour pour Jésus s’est épanoui, simplifié. Oh quelle grâce ! Vraiment.
21 avril 1993 : je commence à vivre de l’intérieur
Après la réunion de prière de hier soir, je suis une nouvelle fois étonné de voir comment Dieu m’a ouvert l’esprit et m’a fait progresser. Mon cœur déborde de révélations. Beaucoup de questions trouvent une réponse lumineuse. J’ai l’impression de vivre de l’intérieur.
1er mai 1993 : la pédagogie divine
J’ai relu mon itinéraire de ces dernières semaines. C’est véritablement prodigieux de voir la pédagogie divine : Jésus suscite les événements nécessaires pour provoquer en moi un abandon plus radical et entier. Mon cœur étant toujours prompt à reprendre son autonomie et à se faire des illusions, Jésus frappe plus fort afin que je réalise, jusqu’au plus profond de moi, ma fragilité et ma dépendance de Jésus. O Jésus, garde-moi tout petit contre ton cœur.
12 juin 1993 : je refais des projets … hasardeux
Au printemps, le directeur d’un de mes fournisseurs de produits laitiers m’a proposé de reprendre en régie un magasin spécialisé dans les fromages à la coupe … à Prilly. Entretemps, j’ai trouvé un acheteur pour le 2e commerce. Tout semble aller pour le mieux … enfin.
Après avoir vécu 3 mois intenses aux niveaux spirituel et psychologique, je ressens le besoin de relever de nouveaux défis. J’envisage de reprendre ce commerce, mais j’hésite encore. J’ai très peur de me charger de ce commerce à peine perdu. Mais je vais entrer vraiment en négociation.
En automne, je vais reprendre ce commerce et faire des débuts foudroyants. Lorsqu’une année plus tard, le directeur qui me l’a proposé est licencié brutalement, je le rends et ne m’occupe plus que de l’épicerie. Encore une mauvaise décision.
Entre temps, la banque a dénoncé un prêt et exige son remboursement. Mes dettes sont très élevées. Je suis à l’agonie. Je vais devoir vendre la maison de famille héritée de ma mère.
13 juillet 1993 : l’ambivalence dans mes sentiments me fait souffrir
Je fonctionne dans ma relation avec Dieu comme j’ai vécu mes relations avec ma mère, mon beau-père et ma grand-mère, sur le mode de l’ambivalence. A la fois aimer et se méfier, être ouvert et avoir peur d’être blessé. Je ressens le besoin de relations, mais redoute l’intimité par peur d’être rejeté ou meurtri.
Samedi 17 juillet 1993 : le début de quelque chose de tout nouveau
Ce weekend, c’est congé. Nous allons à Thun, ma vendeuse est en charge du magasin.
Durant la nuit, la foudre est tombée dans la grand-rue du Bourg juste devant le magasin. Une caisse enregistreuse et plusieurs lampes sont en panne. Un début paniquant pour cette nouvelle vendeuse. Mais elle a fait face.En rentrant, nous nous arrêtons à Charmey. Je prends un prospectus dans l’Eglise catholique sur le pèlerinage diocésain à Einsiedeln. J’aurais préféré un pèlerinage à Lisieux où a vécu Thérèse. Mais Einsiedeln, pourquoi pas ? S’il y a encore des places j’y vais !
Il aura fallu juste un prospectus … et ma vie va changer !