Mon Cher Quaesitus,
Cette semaine-là fut la plus bouleversante de mon existence, après ma conversion à Jésus. J’y fis une expérience profonde qui orienta le reste de ma vie et guérit mes fractures de l’âme. Elle m’a aussi conduit au silence et à une vie cachée en Dieu durant 25 ans.
19 juillet 1993 : je franchis le pas et explore l’inconnu
Matinée très pénible. Il faut rétablir le magasin après la foudre. Je découvre plusieurs pannes.
Il y a encore de la place au pèlerinage d’Einsiedeln. Je m’y inscris. J’ai quelques craintes devant la foule et cet environnement si différent de mes habitudes. Mais je suis dans la paix et le désir de vivre quelque chose d’intense au niveau spirituel et communautaire. J’ai l’intention de participer à tout avec un esprit ouvert, cherchant au-delà des formes « catholiques » le fonds spirituel qui me fera avancer. Je ressens le besoin d’élargir mon horizon spirituel, vivre de l’intérieur une spiritualité différente de la mienne. Je suis très heureux d’avoir cette liberté intérieure vis-à-vis de ma communauté évangélique. Peut-être serais-je incompris, marginalisé ? Mais je suis en paix.
23 juillet 1993 : un désir profond monte à la surface
Je sens en moi poindre le désir d’une relation spirituelle avec Marie et Thérèse. Quand je lis Thérèse qui parle de son amour pour sa « mère », j’en suis touché. De par mes relations familiales traumatisantes : absence du père, fils unique au milieu d’adultes indifférents, mère peu aimante, je ressens un besoin profond d’avoir une petite sœur, Thérèse, et une mère « Marie ». Avec Dieu comme Père, je recrée une famille chaude et tendre, mais surtout sécurisante.
Mais intellectuellement et de par mon vécu de protestant évangélique, j’ai des réticences à entrer dans ce type de spiritualité. Le pèlerinage sera l’occasion pour moi de creuser la question avec un esprit ouvert et peut-être faire mes premiers pas.
Oh Seigneur, si c’est toi qui mets en moi ce désir, fais que Marie et Thérèse se révèlent à moi par l’action de ton Esprit.
Samedi 24 juillet : 7 jours après la foudre
Extérieurement, je suis un homme à la stature imposante, virile. Intérieurement, je suis un enfant craintif ayant besoin d’être cajolé. Je n’ai jamais eu le sentiment d’avoir une famille, d’être aimé. Mon père mort à 5 ans, une mère déficiente et égocentrique, pas de frères et sœurs. Je me suis toujours senti seul, isolé, entouré d’adultes dans un monde indifférent voire hostile. Ma personnalité s’est développée sur le mode survie suscitant des mécanismes de défense pour ne pas être blessé.
Petit-à-petit, je découvre non seulement un Père céleste aimant et tendre, mais aussi une mère et une sœur qui me chérissent depuis mon premier souffle. Je ne suis pas seul. J’ai une famille dans laquelle j’ai une place. Dans cette famille, j’ai été désiré, attendu, protégé sans le savoir.
Je suis ému aux larmes en écrivant cela.
« Chère Maman, chère sœur, vous m’aimiez et je ne le savais pas. Que Dieu m’accorde la grâce que vous vous révéliez à moi, que je sois persuadé de faire partie de votre famille. J’en ai tellement besoin. Je suis comme un enfant abandonné qui découvre qu’il s’était perdu et que sa vraie famille l’a cherché durant des années jusqu’à ce qu’elle le trouve. J’étais perdu et j’ai été retrouvé. »
Dimanche 25 juillet : Marie, voici ton fils !
Le matin, je suis chargé d’apporter le message au culte. Je prêche sur le fils aîné de la parabole du fils prodigue (celui qui se met en colère parce que son jeune frère a pris son héritage et l’a dilapidé. Manquant de tout, il revient vers son père qui l’accueille à bras ouverts). J’insiste sur les images de Dieu qui enferment Dieu et le rend inaccessible. Notre Père renverse nos images, quitte à nous scandaliser afin de nous faire découvrir la profondeur de son amour. Cette façon subversive de présenter Dieu surprend et déconcerte mon auditoire.
En fin d’après-midi, je ressens le besoin d’écrire ce texte :
« Jésus, en croix, voyant Marie sa mère qui se tenait près de « Thierry » lui dit : Marie, voici ton fils. A « Thierry », voici ta mère ! Dès cette heure-là, « Thierry » accueillit Marie chez lui (Jn 19 :26-27).
O Marie, ma mère, depuis tant d’année tu me protèges et tu me chéris alors que je me sentais orphelin. Aujourd’hui, Jésus me dit que tu es ma mère et que je suis ton fils. Combien je suis heureux. Viens, entre dans ma vie. Désormais tu y es chez toi. Je suis comme un petit enfant, j’ai besoin que tu me serres sur ton cœur et me caresse. Mon âme est inquiète, elle a grand besoin de ton amour maternel, doux et tendre. Je sens en moi grandir mon attirance et mon amour pour toi. Révèle-toi à moi ma mère. Amen »
A partir de cet instant, Marie habita chez moi, dans mon cœur … rien ni personne n’a pu la faire sortir de ma vie.
La petite Thérèse, ma sœur spirituelle m’a amené à Marie, ma mère. Marie, comme toute bonne mère m’a conduit au Père et m’a fait découvrir mieux encore son fils premier-né : Jésus-Christ, mon frère.