Mon cher Quaesitus,
Quelle histoire n’est-ce pas ? Mais ce n’est que le début !
Je parle très vite de cette expérience à mon épouse. Sa réaction est telle que je le craignais : Mais ce n’est pas possible. La Bible n’enseigne pas cela. Pour toi Marie a remplacé le Christ. Que vont dire nos amis de la communauté évangélique ?
Durant des semaines, je vis dans l’ambivalence et une double vie spirituelle. C’est très éprouvant. En fait, j’ai peur que cela se sache.
Effectivement, que vont-ils dire mes amis évangéliques ?
Très hésitant et culpabilisé, j’attends l’automne pour en parler au responsable. Sa réaction est surprenante de compréhension. Il se refuse à m’exclure et continue de m’intégrer dans sa communauté en me donnant encore des prédications et des accompagnements spirituels.
Je prends contact aussi avec le curé de la paroisse catholique pour lui expliquer mon cheminement. Il me propose de me préparer à entrer dans la pleine communion de l’Eglise.
En mai 1994, je vais en pèlerinage à Lourdes et à mon retour je fais mon coming out « marial ».
Mon témoignage devant 200 personnes
Voici le témoignage que je donne lors d’une célébration mariale, la veille de la fête de la Visitation dans l’Eglise Saint-François de Sales à Morges :
« Vous savez, je viens de découvrir une chose étonnante : Dieu a de l’humour ! Il nous joue parfois de ces tours !
Voilà bientôt quinze ans que Jésus est entré dans ma vie, la bouleversant de fond en comble. Moi, ce jeune homme toujours inquiet, cherchant un sens à sa vie, discutant sans cesse, voilà que Jésus le saisit et le retourne comme une crêpe ! Puis il fait de moi un disciple prêt à tout abandonner pour le suivre.
Et je l’ai fait ! J’ai quitté l’université, puis ensuite mon travail, mon appartement. Avec ma femme (nous venions de nous marier), nous avons logé dans une caravane durant deux ans, parcourant la Suisse romande et même un peu la France mû par un seul désir : évangéliser et annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus !
Durant presque sept ans, j’ai été un missionnaire biblique itinérant allant sur les foires et marchés avec un stand de livres évangéliques, visitant aussi des homes pour personnes âgées et des communautés évangéliques avec des films chrétiens. J’ai désiré obtenir une reconnaissance pour ce ministère un peu « sauvage ». Des amis m’ont encouragé à suivre le séminaire de culture théologique, puis ensuite la formation diaconale.
J’ai été consacré diacre en milieu professionnel au sein de l’Eglise Réformée vaudoise. Renonçant à mon activité itinérante, je voulus m’enraciner davantage et décidai de reprendre une épicerie tout en menant en parallèle un ministère diaconal dans ma paroisse.
Un protestant évangélique parle de Marie à des catholiques
Et voilà qu’aujourd’hui, je vous parle à vous catholiques et en plus dans une église catholique !
Quand je vous disais que Dieu a de l’humour ! Durant toutes ces années d’évangélisation, j’ai souvent œuvré dans des régions catholiques. Pour moi, les choses étaient claires : tous les hommes et les femmes qui m’entouraient et que je rencontrais étaient à sauver pour le Christ. Surprenant, voire choquant n’est-ce pas ? Que s’est-il passé pour que votre curé ait osé me donner la parole ce soir ?
Eh oui, chers amis, mieux chers frères et sœurs, quelque chose m’est arrivé ! Quelque chose de doux et de bouleversant : Marie est entrée dans ma vie !
Depuis bientôt un an, il ne se passe pas un jour, ni une heure sans que je pense à Marie, que je la prie, me confie à elle.
Comment un protestant a-t-il pu se laisser séduire par Notre Dame ?
Quand vous me voyez et m’entendez tout exprime une solide virilité, ma stature, ma barbe, ma voix, tout est apparemment l’indice d’un homme solide. Même mon activité professionnelle actuelle (exploitation d’une épicerie) entretient et conforte cette première impression.
Et pourtant, ce n’est qu’apparence ! Il m’aura fallu du temps pour l’accepter (l’ai-je vraiment accepté ?) et surtout pour oser en parler. Au fond de moi, je me sens comme un petit enfant orphelin, non désiré et en trop !
Un échec éprouvant
Eh oui ! je vous le confie à vous que je ne connais pas ! Mon ministère diaconal se partageant entre la paroisse et l’épicerie s’est abruptement et douloureusement achevé en automne 90 juste un an après ma consécration diaconale ! Permettez que je n’entre pas trop dans les détails : un changement soudain de pasteur, de nouveaux conseillers de paroisse ayant envie de faire table rase du passé et voilà que le diacre que j’étais ne trouve plus la place à laquelle il croyait légitimement avoir droit. Meurtri, je lâche tout et m’enferme dans la révolte et la dépression. Ma foi passe par une éclipse totale !
Au bout d’un an, n’en pouvant plus, je suis une psychothérapie pour comprendre et surmonter ce que je vis. Je suis alors envahi par des sentiments douloureux de rejet et d’insuffisance. Grâce à ce temps de partage et d’écoute, je prends conscience que les circonstances de ma naissance non désirée issue d’un adultère me perturbent jusque dans ma vie d’adulte. Je me sens toujours non-désiré et en trop.
Découverte de la petite Thérèse
Au printemps 93, alors que je commence à surmonter cette crise majeure, je vois renaître mon désir de renouer avec une vie spirituelle. Je tâtonne, cherchant mon chemin dans la nuit. Puis je tombe « par hasard » sur une biographie de Thérèse Martin. Pourquoi pas ? Moi qui n’aime pas lire ni les romans ni les biographies, je me passionne pour la « petite » sainte de Lisieux, cette jeune carmélite morte de tuberculose à 24 ans ! Sa vie, son message me touchent et m’ébranlent au plus profond. Moi, le révolté, le revendicateur, j’apprends avec la petite Thérèse à m’abandonner, à me laisser porter comme un petit enfant dans les bras du Père. Quelle bouleversante expérience !
En quelques semaines, je sors résolument de mon sombre tunnel. La traversée aura duré plus de deux ans. Je retrouve la joie et la paix. Je ressens ce renouveau comme une sorte de résurrection.
Mon existence était devenue une succession de morts difficiles à accepter. Tout ce que j’avais voulu conquérir pour consoler l’enfant abandonné qui était en moi, je l’avais perdu.
Aujourd’hui, je peux dire : Dieu m’a tout redonné … autrement et de façon surprenante !
Au cours de cet été-là, ayant dévoré plusieurs fois les œuvres complètes de Thérèse, je me mets à désirer vivre cette sorte de communion, cette familiarité qu’elle exprime avec les saints et en particulier avec Marie. Pour Thérèse, le ciel est habité d’êtres vivants qui l’aimaient et la protégeaient. Moi, le petit enfant non désiré, orphelin de père à 5 ans, je désirais confusément retrouver une famille, me sentir aimé, désiré, protégé.
Je me tourne vers Marie
Alors, le samedi 24 juillet 1993, je me tourne pour la première fois vers Marie et lui adresse cette simple prière :
« Chère Maman, chère sœur, vous m’aimiez et je ne le savais pas. Que Dieu m’accorde la grâce que vous vous révéliez à moi, que je sois persuadé de faire partie de votre famille. J’en ai tellement besoin. Je suis comme un enfant abandonné qui découvre qu’il s’était perdu et que sa vraie famille l’a cherché durant des années jusqu’à ce qu’elle le trouve. J’étais perdu et j’ai été retrouvé. »
Après cette prière « enfantine », ma vie ne fut plus la même. Dès ce jour, l’enfant blessé en moi a été consolé, réconforté. Depuis un an que Marie est entrée dans ma vie, je ne vis que douceur et tendresse. Il ne se passe pas un jour sans que mon cœur se tourne vers Marie, souvent avec émotion.
Je cherche à comprendre cette expérience
Vivre une expérience bouleversante est une chose. La comprendre et l’insérer dans une vie spirituelle en est une autre ! J’avais besoin de comprendre ce qui m’était arrivé. Etais-je en train de vivre une grande illusion ? N’étais-je pas entraîné loin de Dieu en me laissant attirer par Marie ?
Je n’avais personne autour de moi, dans mon milieu protestant, avec qui en parler. Oser dire que j’aimais et me sentais aimé par Marie était au-dessus de mes forces.
Je cherchais alors des livres pour structurer ma compréhension et cette relation spirituelle avec Marie. Une fois de plus, je tombai par « hasard » sur un livre d’un prêtre missionnaire du 18e siècle, Grignion de Montfort. Après m’être familiarisé avec son langage, je me mis à lire avec enthousiasme toute son œuvre. Je découvris à mon grand soulagement que Marie est toute relative à Jésus. Dieu ne me l’a pas donnée pour mère comme à Jean pour sa gloire à elle, mais pour m’attirer davantage vers Jésus, mieux former Jésus en moi comme seule une vraie mère peut le faire.
Voilà qu’aujourd’hui, dans cette ville où je suis un peu connu, j’ose prendre la parole et dire : Marie est entrée dans ma vie ! J’ai désiré le proclamer haut et fort. Maintenant, je n’ai plus peur. Marie fait désormais partie de ma vie, rien ni personne ne pourra me l’enlever.
Nos cœurs sont unis à jamais !