Mon cher Quaesitus,
Dans mon parcours, cette expérience mariale fut une sorte de cadeau inespéré qui m’équipa et me fortifia intérieurement pour tenir dans la descente qui allait devenir plus rude durant les années suivantes.
Tout s’achève, 5 ans plus tard, par la fermeture de l’épicerie au tout début 1999, faute de repreneur. Je me prépare dans l’angoisse à la faillite. C’est le moment le plus éprouvant de mon existence. Tous ces efforts durant 9 ans pour en arriver là ! Des envies de mourir me traversent l’âme. Je n’ai jamais baissé les bras, mais là, vais-je tenir … encore ?
Un dénouement inattendu
Quelques jours avant cette fin inéluctable, un architecte inconnu m’appelle au téléphone. Un de ses clients est intéressé à acheter mon dernier bien, un terrain en partie en zone agricole, mais faisant l’objet d’un reclassement probable en zone à construire. Depuis des années, il y a des oppositions et je n’y pense plus. Son client est prêt à attendre un voire deux ans, à payer le prix juste et me verser en plus un bel acompte. Je rêve !
Quelques jours avant la fermeture, nous passons devant le notaire. Je touche l’acompte qui nous sauve de la faillite. Sauvé in extremis ! N’est-ce pas un signe fort que Dieu prend soin de nous quand nous nous abandonnons à sa grâce et à son amour ?
Au final, j’aurai perdu la totalité de mon héritage : le studio, la maison familiale et ce beau terrain.
Une fois encore je dois tout recommencer.
Les plus belles fleurs poussent parfois sur le fumier
Aujourd’hui, j’ai bientôt 60 ans. Je suis remarié au civil et très amoureux de Ghislaine depuis 15 ans. Mon plus grand bonheur est d’avoir pu vivre avec elle le sacrement du mariage à la chapelle de Notre-Dame-des-Marches à Broc.
J’ai trouvé ma moitié. Avec ma Gigi, je me sens complet. Quelle grâce !
Mes expériences cuisantes ont été le terreau de ma nouvelle activité de conseil en entreprises et d’administration de sociétés. J’ai beaucoup appris de mes échecs et de mes mauvaises décisions. Ces cailloux pointus qui m’ont blessé ont été transformés en perles précieuses que je donne à qui en a besoin.
Les plus belles fleurs poussent parfois sur le fumier. Dieu sait faire de nos misères et de nos fragilités une opportunité pour nous unir à Lui.
Marie est dans ma vie plus que jamais, elle est mon étoile, alors que Jésus est mon soleil. Ma vie est illuminée. Je ne me sens plus un enfant non désiré et toujours en trop. Je suis guéri.
Marie est l’air que je respire, elle est l’atmosphère de ma vie spirituelle.
Marie a initié cette guérison en profondeur.
Marie m’a appris à dire oui, à accueillir l’inattendu, à me remettre entre les mains de Dieu, à être libre parce qu’abandonné et confiant en son amour inconditionnel.
Après 25 ans, je sors du silence pour témoigner
Depuis 1993, je n’exerce plus aucun ministère ni service … mais je crois être utile à beaucoup de personnes par mon action et mes écrits.
Peut-être suis-je enfin un vrai diacre … un serviteur ?
Les églises se vident … mais en périphérie, beaucoup cherchent encore. J’essaie de m’adresser à eux.
J’ai découvert ma vocation : être un passeur. Je suis le veilleur sur la frontière. « Soyez passant » dit l’Evangile de Thomas (probablement une agrapha, une parole de Jésus).
Mon foyer est ailleurs. Il m’attend.
J’arrive bientôt au bout de mon chemin. Je suis prêt et sans peur. Ma vie ne m’appartient plus depuis longtemps, je la Lui ai donnée sans retour. Je suis donc libre comme je ne l’ai jamais été … quelle grâce ! C’est paradoxal, mais c’est ce que je vis.
Mon secret désir et ma prière :
O Marie, accueille-moi lorsque je naîtrai au ciel.
En regardant en arrière, je ne regrette rien. J’ai tout perdu, mais Dieu m’a tout rendu autrement et au centuple.
La pédagogie de Dieu fut rude, mais je n’étais qu’un âne têtu et revêche qu’il a fallu mater.
Je suis éperdu de reconnaissance, parce que Jésus m’a comblé.
« Je sais que Jésus ne peut désirer pour nous de souffrances inutiles
et qu’Il ne m’inspirerait pas les désirs que je ressens,
s’il ne voulait les combler »
(Thérèse de Lisieux)